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SITUATION DE L’ESPAGNE.

sa prospérité n’y est pas moins engagée que son honneur. L’Europe ne croira à la régénération de l’Espagne qu’autant qu’elle la verra faire honneur à ses engagemens. Alors seulement la Péninsule entrera dans la communauté des nations civilisées. Tant qu’elle ne paiera pas ses dettes, elle pourra intéresser, amuser l’Europe par le spectacle dramatique et pittoresque de ses guerres civiles ; mais elle ne sera prise au sérieux par personne comme puissance constituée, et le présent lui sera contesté comme l’avenir.

D’après le budget présenté pour 1843 par le ministre des finances, l’Espagne aurait besoin d’un revenu de douze cents millions de réaux ou trois cents millions de francs, pour subvenir à toutes ses dépenses, y compris celle de la dette. Les dépenses se divisent ainsi qu’il suit : liste civile, huit millions et demi ; ministère des affaires étrangères, deux millions et demi ; justice, quatre millions et demi ; intérieur, vingt-quatre millions et demi ; guerre, quatre-vingts millions ; marine, commerce et colonie, quatorze millions ; dette, quatre-vingt-six millions, y compris le fonds d’amortissement. Voilà quels sont tous les besoins de l’Espagne, et il ne faut pas oublier que c’est là en quelque sorte un idéal. Les recettes réalisées et conséquemment les dépenses effectives n’ont jamais été au-delà de la moitié de cette somme de trois cents millions ; tous les services ont donc souffert et souffrent encore aussi bien que celui de la dette. Même en ne payant rien à ses créanciers, l’Espagne n’est jamais parvenue à joindre les deux bouts. Pendant la guerre, l’armée et la liste civile absorbaient tout, et il ne restait rien ou presque rien pour la justice, la marine, les affaires étrangères, les travaux publics, etc. Depuis la fin de la guerre, les choses ne vont guère mieux, à cause du désordre que la révolution de septembre a porté dans les finances comme dans tout le reste. Le jour où les dépenses de l’état atteindront réellement ce chiffre de trois cents millions sera un jour de prospérité et de régénération pour toutes les administrations publiques.

Nous n’avons pas la prétention d’établir ici en quelques lignes le budget des recettes possibles de l’Espagne, cette œuvre difficile qui exigera tant d’années et d’efforts pour être menée à bien. Mais, de bonne foi, croit-on qu’il soit impossible de faire produire à l’impôt en Espagne trois cents millions par an ? À ce taux, l’Espagne ne paierait encore que le quart de ce que paie la France, et le septième de ce que paie l’Angleterre. Si l’on réunissait tout ce qui se gaspille par un mauvais système de perception, on ne serait probablement