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cédés ; le fond de leur politique reste le même ; c’est toujours le gouvernement constitutionnel monarchique, la forme de gouvernement la plus savante qu’ait réalisée la civilisation moderne, qu’il s’agit d’introduire en Espagne ; c’est l’ordre administratif et financier, l’unité de législation, la police vigilante, la sécurité, le travail, la liberté, le bien-être matériel, tout ce qui constitue les sociétés nouvelles. Les exaltés ont voulu quelquefois autre chose que cela ; les modérés, jamais.

Le parti modéré s’est formé, depuis 1833, par alluvion. Le noyau du parti était peu considérable au commencement ; plusieurs des hommes qui en font aujourd’hui la force étaient alors dans le camp de ses adversaires. À chaque secousse qui est survenue, une nouvelle portion du parti révolutionnaire s’est détachée et a passé au parti modéré. D’abord ce fut M. de Toreno, puis M. Isturitz ; maintenant, c’est une alluvion nouvelle, et la plus grosse de toutes. M. Lopez passait pour un des chefs les plus fougueux de l’opinion radicale ; quand il a été appelé au ministère par le régent, son premier acte a été un appel aux opinions modérées, aux idées de conciliation. MM. Olozaga et Cortina ont été aussi, dans d’autres temps, de vigoureux champions des tendances révolutionnaires ; aujourd’hui, ils tendent la main aux modérés. Il est impossible de ne pas se laisser aller à l’espérance en présence d’une disposition aussi générale à la bonne harmonie et d’un retour aussi marqué aux conseils du patriotisme et de la raison politique.

En même temps que s’amortit la lutte entre les exaltés et les modérés, on commence à voir décroître aussi une autre lutte qui n’a pas fait moins de mal à l’Espagne, celle de la France et de l’Angleterre. L’Angleterre a pris évidemment une fausse route en s’attachant comme elle l’a fait à la fortune d’Espartero. Il y a long-temps que nous le lui avons dit les premiers, et les évènemens ont fini par nous donner pleinement raison. Aussi commence-t-on à s’en apercevoir de l’autre côté du détroit : malgré les ovations banales de Mansion-House et les toasts réchauffés du lord-maire, la popularité de l’ex-régent décline visiblement chez nos voisins. D’abord il n’a pas réussi jusqu’au bout, ce qui est toujours un grand tort aux yeux des Anglais ; ensuite il devient de plus en plus clair qu’il n’a pas de chances pour revenir sur l’eau, ce qui achève de le condamner. L’esprit britannique est ainsi fait, qu’il ne s’intéresse pas long-temps aux causes perdues.

Il y a un homme qui a contribué plus que personne à fourvoyer