Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/272

Cette page a été validée par deux contributeurs.
266
REVUE DES DEUX MONDES.

Restent donc Barcelone et Saragosse. Sur ces deux points, le mouvement a prévalu, mais ce triomphe momentané s’explique par des causes toutes locales. Saragosse était la dernière ville d’Espagne qui eût reconnu le nouveau gouvernement. Quant à Barcelone, il y a dans cette malheureuse cité une tourbe de deux ou trois mille hommes sans frein qui font trembler la population entière. Tant que ces hommes seront armés, il n’y aura pas de repos possible pour Barcelone. Sous la reine Christine, le baron de Meer avait désarmé ces redoutables bataillons dit de la blouse, et la paix régnait dans la Catalogne. Lors de l’insurrection fomentée par Espartero, le premier soin de la junte fut de leur rendre leurs armes, et, dès ce moment, la ville leur a été livrée. Les habitans de Barcelone ne connaissent contre eux d’autres armes que l’émigration, et cette ville de deux cent mille ames se laisse mener par une misérable poignée de partisans.

L’occasion va être belle pour les réduire, si l’on en a la volonté. Les généraux envoyés contre Barcelone n’ont pas osé les attaquer dans la ville, où ils se sont retranchés ; on a craint d’imiter Espartero et de soulever les mêmes malédictions contre un bombardement. Les forts ne tirent sur leurs retranchemens qu’autant qu’ils tirent eux-mêmes sur les forts. Cette circonstance a prolongé leur résistance ; mais on les a bloqués, entourés de toutes parts, et ils ne peuvent tarder à se rendre. Déjà tous les jours on apprend que les personnes les plus compromises, comme les rédacteurs des journaux anarchistes, les membres des juntes populaires, se sauvent à Perpignan. Le jour où les insurgés ouvriront les portes présentera sans doute un spectacle d’horreur. Ils sont à peu près seuls dans la ville, d’où n’arrive aucune nouvelle ; la famine et le désordre doivent régner parmi eux. Ils ont tenté dernièrement un assaut désespéré contre la citadelle ; ils ont été repoussés. Tout annonce qu’ils sont aux abois, et on sera ainsi parvenu à les contraindre à la soumission tout en ménageant la ville, qui a déjà bien assez souffert de leurs déprédations.

Le jour où l’autorité légale sera rétablie à Barcelone, il sera facile de prendre des mesures pour mettre dans l’impuissance ces bandes malfaisantes. L’opinion publique ne les défend plus, comme du temps d’Espartero. Quand la capitale de la Catalogne a chassé Van-Halen, quand elle a proclamé la déchéance du régent, les compagnies franches avaient derrière elles la population tout entière. Aujourd’hui elles sont isolées. Les propriétaires, les commerçans, les véritables