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FERNAND.

un son faux et discordant. Et puis, toujours la même chose ! Je n’ai pas eu le courage d’aller jusqu’au bout : je lirai le reste dans quelque roman nouveau.

Adieu. Quand tu seras las du bruit et de la foule, viens te reposer auprès de moi ; tu trouveras toujours sur le pas de ma porte deux bras amis qui s’ouvriront pour te recevoir.

KARL STEIN À FERNAND DE PEVENEY.

Ainsi tu romps avec la société : il faudra bien que la société s’en console. Vis aux champs, s’il te plaît d’y vivre. Les gentilshommes d’autrefois, qui valaient bien ceux d’aujourd’hui, cultivaient leurs terres et faisaient du bien à leurs paysans ; je ne pense pas que ce soit déroger que d’en faire autant. Seulement n’oublie pas que ton père ne fut un homme heureux que parce qu’il fut un homme utile. Être utile, c’est la question. « Si vous vous sentez les passions assez modérées, écrivait un philosophe à je ne sais quel gentillâtre qui lui demandait conseil ; si vous vous sentez l’esprit assez doux, le cœur assez sain pour vous accommoder d’une vie égale, simple et laborieuse, restez dans vos domaines, faites-les valoir, travaillez vous-même, soyez le père de vos domestiques, l’ami de vos voisins, juste et bon envers tout le monde ; servez Dieu dans la simplicité de votre cœur : vous serez assez vertueux. » Toi, cependant, ne te hâte point de décider irrévocablement de tes goûts, de ta vocation et de ta destinée ; tu es sous le coup de préoccupations trop vives pour pouvoir encore sainement en juger. À Dieu ne plaise que je te blâme de songer à régler ta vie ! J’écrirais volontiers, comme Pline le jeune, que le cours régulier des astres ne me fait pas plus de plaisir que l’arrangement dans la vie des hommes. Seulement, attends le calme et la réflexion ; mets de l’ordre dans tes sentimens avant d’essayer d’en mettre dans l’agencement de ton existence. On ne jette pas l’ancre en pleine mer durant la tourmente.

Ici, rien de nouveau. Mme de Rouèvres est souffrante ; elle ne voit et ne reçoit personne. On ne se gêne pas, dans le monde, pour attribuer à ton absence ce soudain amour de retraite et de solitude. Le monde est une petite ville où tout se sait. Je ne vois guère que le mari qui, fidèle à la tradition, ne soit pas dans le secret de la comédie. Fasse le ciel qu’il vive toujours dans la même ignorance ! car je ne le crois pas homme à prendre patiemment son malheur.