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HISTORIENS LITTÉRAIRES DE LA FRANCE.

Ginguené, Suard, on n’est pas tout-à-fait déçu dans ses vœux, et ces destinées-là, telles que nous les voyons se dessiner dans un horizon déjà lointain, ont quelque chose qui continue de s’éclairer doucement aux yeux du sage. Pourtant, encore une fois, c’est moins au nom de cette perspective, toujours si pâle et si mêlée d’ombres, qu’il faut s’adresser au vrai critique et le convier à ne pas cesser ; la vérité, voilà ce qui l’inspire, la vérité littéraire, le plaisir de la dire avec piquant ou avec détour, l’amour d’une étude courante et animée. Lors même que le feu des premières illusions est passé, lorsqu’on n’épouse plus ardemment une cause et qu’il n’y a plus de cause, la jouissance de la curiosité et de l’expression critique reste tout entière. On prend un livre, on s’y enfonce, on s’y oublie ; on médite alentour, on y muse et s’y amuse, desipere in libro ; puis insensiblement la pensée se prend, une idée sourit, on veut l’étendre, l’achever : déjà la plume court, la déduction ingénieuse et industrieuse se poursuit, et, quand on s’y entend aussi aisément que M. Magnin sait le faire, si désintéressée que soit d’ailleurs cette douce passion, il est difficile d’y résister.


Sainte-Beuve.