rédiger les Mélanges[1]. Placé dès 1813 à la bibliothèque du Roi, dont il est, depuis 1832, l’un des conservateurs, il ne cessa de vivre à la source de l’érudition et de la connaissance littéraire la plus variée et la plus abondante. Qu’on ne croie pourtant pas que ce fut, dès l’enfance, un de ces liseurs avides et infatigables, un de ces helluo librorum comme il sied à tout bibliothécaire poudreux de l’être ; son goût témoigna de bonne heure discrétion et choix, une certaine friandise. Ses études universitaires avaient été brillantes ; il s’essaya au sortir de là dans quelques concours académiques. Une pointe de bel-esprit, la pointe d’une plume qui allait être si fine et si bien taillée, se faisait sentir. La plus vive tentative qu’il se permit hors du cercle où nous le connaissons, est une petite comédie en un acte et en prose, représentée à l’Odéon le 16 mars 1826 : Racine ou la troisième Représentation des Plaideurs. — Les Plaideurs ont été sifflés aux deux premières représentations par la bazoche conjurée ; les procureurs sont en émeute, les conseillers aux enquêtes commencent à s’émouvoir ; Racine, désolé, reçoit la visite de la Champmêlé et de Despréaux, qui le réconfortent et le consolent chacun à sa manière. Pourtant Mme de Crissé, vieille plaideuse qui se prétend outragée dans la comtesse de Pimbêche, et le conseiller Dandinard qui se croit joué dans Perrin Dandin, forcent successivement la porte et font au poète une scène de menaces dont il se tire assez bien ; tout ce jeu est assez plaisant ; pourtant l’orage augmente, et l’on parle d’un ordre supérieur obtenu contre le poète, lorsque tout à coup on apprend que la Champmêlé qui devait, ce soir même, jouer Ariane devant le roi, a feint une indisposition que, grace à ce tour d’adresse, les Plaideurs, représentés pour la troisième fois, ont subitement trouvé faveur et gagné leur cause ; on n’a plus osé siffler, et le roi a ri. C’est la Champmêlé elle-même, puis bientôt Despréaux en tête de la troupe comique, tenant flambeaux à la main, qui viennent annoncer sa revanche et son triomphe au poète. La vieille plaideuse Mme de Crissé et le conseiller Dandinard sont toujours là et font vis-à-vis au Dandin de la pièce et à la comtesse de Pimbêche encore en costume ; c’est à s’y méprendre :
« Ah ça ! ai-je la berlue, moi ? — Quoi ! deux Dandins… deus comtesses de Pimbêche ! » — Et le conseiller offrant la main à Mme de
- ↑ M. de Paulmy se fit aider pour ses Mélanges tirés d’une grande Bibliothèque par Contant d’Orville et par M. Magnin, de Salins, père du nôtre.