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lesquels le critique essaie de reprendre et de résumer avec étendue, de fixer et d’approfondir sur un point les études jusque-là plus vagues, qui l’ont pourtant occupé de préférence ; tantôt, ce sont tout simplement d’anciens morceaux, déjà publiés en divers lieux, qu’on rassemble avec ordre, avec suite, en les revoyant pour la correction, mais en leur conservant leur premier caractère. En un mot, chaque critique de cette génération lie sa gerbe et fait son livre. Hier c’était M. Ampère, M. Patin ; demain ce sera M. Saint-Marc Girardin. Aujourd’hui, nous retrouvons M. Magnin, qui a dès long-temps entrepris dans ses Origines du Théâtre moderne un ouvrage d’importance et de longue haleine ; mais il s’est accordé comme diversion et intermède, et il nous fait le plaisir de publier un recueil d’anciens articles très goûtés en temps et lieu lorsqu’ils parurent, et très dignes de réclamer cette seconde lecture qui, seule, vérifie les bonnes pages. Pour les gens du métier qui savent combien ces jugemens portés sur les livres du jour par les critiques compétens sont utiles à l’histoire littéraire, et combien, à une certaine distance, il devient difficile de se les procurer dans des feuilles si vite disparues, il semblera tout naturel qu’un homme qui connaît autant les circonstances et les destinées des livres que M. Magnin ait songé à sauver ce qui, intéressant et toujours agréable aujourd’hui, sera piquant et curieux pour l’avenir.

Il y aurait une manière bien simple, bien commode, et à la fois bien juste, de recommander ces volumes ; nous nous hâterions de dire qu’à une grande variété de sujets sur lesquels le critique a répandu tous les assortimens d’une érudition exacte et fine, se joint le mérite d’un style constamment net, rapide, élégant ; que la nouveauté des points de vue n’exclut en rien les habitudes et les souvenirs de la plus excellente et de la plus classique littérature ; que l’ancienne critique s’y trouve toute rajeunie, en ayant l’air de n’être que continuée. Mais ces éloges qui, à les serrer de près, ont leur entière justesse, n’offrent rien qui se grave assez au vif et qui caractérise assez distinctement l’auteur. On pourrait, à peu de chose près, les appliquer à d’autres écrivains distingués ; on en dit tous les jours à peu près autant des ouvrages du même genre qui paraissent. L’avouerons-nous ? cette façon de louer nous paraît fade ; nous voulons mieux quand nous parlons d’un écrivain : malgré la difficulté de juger plus à fond et de percer plus avant quand il s’agit d’un contemporain, d’un ami, notre plaisir est d’y viser, de nous jouer même autour de la difficulté :