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FERNAND.

DERNIÈRE PARTIE.[1]

FERNAND DE PEVENEY À KARL STEIN.

Que faire ? que devenir ? Plus j’envisage ma position, moins j’y vois d’issue. Qu’est-ce donc que le cœur de l’homme ? Quel est ce sentiment égoïste et cruel qui m’arrache à ce que j’aime, me lie à ce que je hais et me perd pour se sauver lui-même ? Insensé et farouche honneur ! j’obéis à ta loi sans mérite ; je te maudis en te servant, et je t’abhorre en faisant tout pour toi.

Je t’écris hors de France. Quel voyage ! Deux misérables attachés à la même chaîne, condamnés à perpétuité l’un à l’autre ! On me dit que je suis en Suisse. Je ne sais ; que m’importe ? J’ai quitté pour jamais la patrie du bonheur. Encore, si je pouvais exhaler librement ma fureur et mon désespoir ! La bête fauve mord en rugissant les barreaux de sa cage ; mais moi, avec la mort dans l’ame, avec la rage dans le sang, je dois n’offrir aux regards inquiets qui m’observent qu’un visage heureux et souriant. Il faut que je respecte des susceptibilités toujours prêtes à s’effaroucher, et que je ménage un

  1. Voyez la livraison du 1er octobre.