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étant bien sûr d’empêcher qu’ils en fassent, et je ne les opprime point, parce que je saurai les contenir. Qui pourrait aujourd’hui, au nom de notre gouvernement, parler avec la même fermeté ? Cependant il est urgent que le pouvoir et les chambres interviennent avec puissance dans toutes les questions morales qui inquiètent les esprits, pour accomplir avec une intelligente activité tout ce qui est praticable et bon, pour lutter avec énergie contre les théories erronées et les prétentions coupables. L’éducation des masses, l’amélioration de leur condition matérielle, l’instruction de la jeunesse, la direction morale qu’il faut imprimer aux générations nouvelles, tout cela ne saurait, sans un extrême péril, être abandonné au hasard ou aux entreprises des partis. Dans ces derniers temps, on a un peu négligé tous ces devoirs. Il est remarquable qu’il y a dix ans, quand le gouvernement de 1830 était encore engagé dans des luttes ardentes, ses représentans, et au pouvoir et dans les chambres, semblaient convaincus plus qu’aujourd’hui de la nécessité d’agir moralement sur les masses. C’est en 1833 que fut débattue et promulguée la loi sur l’instruction primaire. À cette époque, le gouvernement, nous parlons ici des trois pouvoirs, montra qu’il n’entendait abdiquer aucune de ses attributions morales. Alors, il est vrai, on n’eût pas osé prétendre, au nom de l’église, que l’état était incapable de donner au peuple une éducation saine ; alors le langage du clergé était plus prudent, son attitude plus modeste. Devant le ton qu’il a pris depuis plusieurs années, devant les prétentions qu’il affiche, le pouvoir temporel doit-il battre en retraite, se faire humble et petit ? Qui oserait, au sein du gouvernement, conseiller tant de faiblesse ? C’est au nom de l’ordre, de la stabilité sociale, qu’il faut demander aujourd’hui au pouvoir, pour tout ce qui concerne la satisfaction légitime et la défense des intérêts moraux, un esprit d’initiative et une main ferme.

Ce n’est pas exclusivement par l’Université que l’état exerce son sacerdoce intellectuel ; toutefois ce grand corps est le principal agent par lequel l’instruction et les lumières se répandent dans toutes les parties de la société. « Il n’y aura pas d’état politique fixe, s’il n’y a pas un corps enseignant avec des principes fixes, » avait dit Napoléon au sein du conseil d’état, et, en vertu de cette maxime cet homme qui portait, pour ainsi dire, dans la science du gouvernement la divination d’un poète, fonda l’Université. Il est glorieux pour l’institution universitaire d’être contemporaine des grandes créations politiques, qui étaient comme les assises de la société nou-