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LE MIE PRIGIONI.


Est-ce que j’aurais quelque dette ?
Mais, Dieu merci,
Je suis en lieu sûr ; on n’arrête
Personne ici.

Cependant cette larme coule,
Et je la vois
Qui brille, en tremblant, et qui roule
Entre mes doigts.

Elle a raison, elle veut dire :
Pauvre petit,
À ton insu ton cœur respire
Et t’avertit

Que le peu de sang qui l’anime
Est ton seul bien,
Que tout le reste est pour la rime,
Et ne dit rien.

Mais nul être n’est solitaire,
Même en pensant,
Et Dieu n’a pas fait pour te plaire
Ce peu de sang.

Lorsque tu railles ta misère
D’un air moqueur,
Tes amis, ta sœur et ta mère
Sont dans ton cœur.

Cette pâle et faible étincelle
Qui vit en toi,
Elle marche, elle est immortelle,
Et suit sa loi.

Pour la transmettre, il faut soi-même
La recevoir,
Et l’on songe à tout ce qu’on aime
Sans le savoir.


Alfred de Musset.
20 septembre.