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des intérêts religieux dans le duché de Bade et d’autres pays voisins, on serait étonné de voir combien le catholicisme y est différent de ce qu’il est en France et au-delà des monts. Si l’on était bien informé des libertés que réclame ce clergé, si on savait combien le développement de la science l’a rendu sympathique à tous les progrès de la pensée, si on l’entendait se séparer nettement de tous les clergés d’origine romane, on serait forcé de reconnaître que l’unité du catholicisme admet cependant des variétés nécessaires selon le différent génie de chaque peuple. Cette situation du clergé catholique allemand, qu’il est facile surtout d’entrevoir dans l’université de Fribourg en Brisgau, inquiétait, comme on pense, l’autorité du saint-siége, et peu à peu Munich est devenu pour cette autorité une position forte d’où elle peut agir sur l’Allemagne. Est-il bien sage cependant de poursuivre une chose impossible ? Quoi qu’on fasse on ne parviendra pas à faire accepter à ces Germains une religion tout italienne, et il faudra bien qu’ils y introduisent des explications propres à leur génie. Ce que sont les libertés gallicanes pour l’église de France, une certaine liberté d’interprétations mystiques le sera toujours pour l’église catholique d’Allemagne. Pourquoi contrarier l’esprit particulier de chaque nation ? N’est-ce pas toucher à l’œuvre de Dieu ? Et la diversité dans l’unité, ne serait-ce pas la suprême beauté de l’église universelle ? Si la politique ultramontaine qui s’organise à Munich devait triompher un jour, elle enlèverait à cette ville ce caractère que je décrivais tout à l’heure et qui lui donne encore, malgré son infériorité vis-à-vis de la Prusse, une originalité incontestable. En outre, tout en perdant son génie, Munich ne gagnerait aucune influence sur l’Allemagne catholique. L’esprit ultramontain ne sortirait pas de ses murs ; il s’égarerait toujours en Allemagne, et n’y serait nulle part sérieusement accueilli. Croit-on qu’il se soit fait beaucoup de partisans depuis qu’on l’a vu persécuter misérablement les grands écrivains mystiques du midi ? Quand Baader mourut, il y a deux ans, tout le monde sait qu’au lieu d’honorer cette noble tombe, le clergé de Munich s’abstint de paraître à la cérémonie funèbre. C’était là cependant le plus pieux et le plus vénéré des maîtres du midi ; mais peut-être avait-il défendu trop scientifiquement les intérêts du catholicisme. Derrière le cercueil que conduisait le prêtre, il n’y avait aucun de ces hommes dont il avait glorifié la croyance, il y avait le vieux Gœrres, tout seul, le front bas, arrivé le matin d’Italie pour rendre ce dernier devoir à son vieux collègue. Et lui-même, s’il ne sait pas qu’il est suspect, malgré tant