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SITUATION INTELLECTUELLE DE L’ALLEMANGNE.

cherche à opposer à l’union douanière, dont la Prusse s’est emparée, une autre union qui la rattacherait aux puissances italiennes, elle sera, dans ses propres états, entraînée toujours vers ses provinces slaves. Que son importance politique puisse y gagner, cela est possible sans doute, et j’accorderai volontiers qu’il lui reste encore, dans cette direction, de grandes choses à accomplir ; mais, il faut bien le dire, ce qui résulte surtout pour elle de ces mouvemens extraordinaires, ce que ces choses ont mis en lumière avec une évidence accablante, c’est son insuffisance à représenter la fortune intellectuelle de l’Allemagne, c’est l’impuissance où elle a été de soumettre à l’élément germanique le monde slave qu’elle régit. Sur ce champ de bataille de l’intelligence, l’esprit allemand est battu, en ce moment même, par l’esprit slave ; or, c’est l’Autriche, comme un général inhabile, qui a compromis et qui va perdre bientôt cette partie si sérieuse, c’est elle qui en est responsable devant l’Allemagne.

II.

Maintes choses nous appellent à Munich. Il y a là une illustre assemblée de savans, de vieillards à l’ame poétique, d’hellénistes qui vont étudier la Grèce à Athènes, leur seconde patrie, et qui sont les dignes gardiens des marbres d’Égine. Il y a aussi l’art allemand, dont Munich est le sanctuaire.

Si l’art pouvait être, en Allemagne, le véritable représentant de la pensée, Munich serait sans doute la capitale intellectuelle de ce pays. Si, comme en Italie, comme à Venise, dans l’abaissement de la philosophie, les arts muets du dessin avaient dû remplacer les arts de la parole, ce serait en Bavière qu’il faudrait chercher l’expression du génie germanique. Mais, outre que le caractère de l’école allemande convenait peu à cette fonction, on peut affirmer qu’elle a reçu, sans le savoir, une tâche toute différente. Oui, il faut oser le dire, l’art a été chargé à Munich d’une mission mauvaise. Loin de se placer au foyer même de la vie, au centre de la pensée allemande, loin de s’inspirer d’elle, il a été chargé d’enlever les esprits aux nobles préoccupations de la science ; au lieu d’élever les ames, il a été chargé de leur cacher le monde des idées. On a vu une école de peintres et de sculpteurs érudits occupés à distraire d’une manière frivole l’attention de tout un peuple. Satisfaite d’une activité d’ailleurs incontestable, toute fière de ces temples, de ces églises, de ces