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FERNAND.

PREMIÈRE PARTIE.

FERNAND DE PEVENEY À KARL STEIN.

Tu l’as voulu, je suis parti, j’ai fui. D’ailleurs, j’étais au bout de mes forces et de mon courage. Quelle vie ! quel enfer ! Non, il n’est pas d’enfer qui ne soit doux après une pareille vie. D’où vient donc que mon cœur est triste jusqu’à la mort ? d’où vient qu’au lieu de l’enivrer, le sentiment de sa prochaine délivrance le torture et le déchire ? Tu m’avais promis la joie du prisonnier qui voit tomber ses chaînes : les cris seuls de mon désespoir ont salué jusqu’ici mon acheminement à la liberté. Combien de temps a duré ce voyage ? Un jour, un siècle, je ne sais. Les arbres qui fuyaient sur le bord de la route m’apparaissaient comme des ombres éplorées ; j’entendais des sanglots dans les sifflemens de la bise. Pourrai-je dire jamais les luttes et les combats que j’ai livrés et soutenus contre moi-même durant ce funeste trajet ? Une fois, ne sentant plus en moi l’énergie de ma résolution, j’ai fait tourner bride aux chevaux ; mais en apercevant, du haut d’une colline, Paris comme un gouffre béant à l’horizon, saisi d’épouvante, j’ai consulté mon cœur et repris tristement le chemin de la solitude. J’arrive enfin : j’ai revu sans plaisir et sans