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qu’ils ont long-temps soutenue contre l’esprit allemand pour conserver leur caractère et leur génie propre, les Magyares la recommencent contre ce nouvel ennemi. Ils sont effrayés de ce mouvement qui agite aujourd’hui la famille slave depuis l’Adriatique jusqu’à l’Elbe ; ils sentent bien que, si la Bohême devient pour ces peuples le centre d’une renaissance qui s’annonce déjà d’une manière bruyante, leur nationalité sera peu à peu envahie et couverte. Ils veulent donc étouffer toute espèce de vie chez leurs sujets croates et esclavons ; ils imposent aux écoles une éducation qui tuera l’esprit national, ils leur interdisent la langue de leurs pères, ils persécutent les journaux écrits dans cette langue rivale, ils les suppriment, et, tandis que l’Autriche se tait devant cet incroyable mouvement d’un pays entier qui veut se séparer d’elle, on voit quatre millions de Magyares s’efforcer d’étouffer par la violence ce réveil de tout un peuple.

En publiant ses travaux sur la Bohême, M. le comte de Thun offrait aux écrivains hongrois une discussion publique ; M. de Pulszky a accepté la lutte. Tous deux viennent d’échanger une série de lettres qui ont vivement excité l’attention de l’Allemagne. Ces lettres ont été réunies par M. de Thun dans un nouvel écrit publié sous ce titre : La Situation des Slaves en Hongrie. M. de Thun est plein d’amour pour ses frères, il est impossible d’avoir un sentiment plus vif, plus sincère, plus éloquent de la mission qu’il s’est donnée. M. de Pulszky a quelque chose de véhément et d’emporté dans sa colère ; avec la hauteur vindicative du patricien hongrois, avec la dure fierté du magnat, il maintient sans fléchir la proscription dont il voudrait frapper l’esprit slave dans son pays. Ce qu’il craint surtout, dit-il, c’est que le monde slave, en s’accroissant ainsi dans les états autrichiens, en se formant comme une race distincte, n’amène un jour la Russie au cœur même de l’Autriche. Il nie que la Hongrie ne soit pas autre chose qu’une demeure commune à quatre populations différentes, Allemands, Slaves, Magyares, Valaques, lesquelles auraient chacune des intérêts propres. Il rappelle fièrement comment s’est constituée la Hongrie depuis le jour où les Hongrois, sous la conduite d’Arpad, ont passé les monts Crapacks et soumis par l’épée les races de Valachie et de Bulgarie, qui ne surent point garder leur indépendance. C’est un dialogue altier entre le vainqueur et le vaincu, entre la noblesse hongroise et le peuple slave. — Vous êtes les vaincus, dit M. de Pulszky, nos droits nous viennent de l’épée, nous les maintiendrons. — M. le comte de Thun en appelle à cet esprit puissant qui agite et soulève toute sa race ; il repousse, comme