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serait à tout jamais bien coûteuse, car les moyens de faire face au danger devraient être alors permanens comme le danger lui-même.

Au surplus, cette impossibilité de rapports plus sincères et plus intimes entre nous et les Arabes ne nous paraît plus démontrée. Quelque énormes que paraissent les difficultés à vaincre, quelque long que puisse être le temps nécessaire pour les surmonter, il est évident pour nous qu’une administration habile et éclairée doit trouver plus d’un point de contact entre les intérêts arabes et les intérêts français. C’est là le joint qu’il faut étudier et qu’il serait ensuite facile de consolider, si nous apportions de la sagacité dans nos recherches et une inébranlable persévérance dans l’application des mesures opportunes. Par la conquête, on acquiert ; on ne consolide que par les institutions et les lois. La guerre a fait son œuvre ; la législation, ce nous semble, n’a pas encore commencé la sienne. Faudra-t-il donc ne posséder l’Afrique que pour y guerroyer éternellement ? Cette vaste conquête ne doit-elle être qu’un camp d’exercices pour nos troupes ? Si, comme nous le pensons, c’est là une terre décidément française, notre plus belle colonie, qu’on nous dise donc une fois quel en est le système, l’organisation. Treize années de provisoire, c’est assez. Que sont devenues les études que le gouvernement avait faites ? que sont devenus les travaux de ses commissions ? M. le ministre de la guerre a là une grande et noble tâche à remplir. Nous comptons sur son activité, sur son énergie ; il a l’habitude des grandes choses. Il ne quittera pas les affaires sans nous en donner une nouvelle preuve.


Ce que Vico disait de la vie des empires, on peut le dire également des fortunes littéraires : là aussi il y a des ricorsi, là aussi se retrouve ce grand mouvement de va-et-vient qui est toute l’histoire des choses humaines. Il y a des noms pourtant qui sont de force à résister à tous les caprices de l’opinion, aux engouemens fantasques comme aux boutades dégoûtées de certains siècles et de certains esprits. Heureusement aux grandes intelligences qui ont servi par leur œuvre la cause de la civilisation, une sorte de sphère sereine est réservée, asile immortel et inaccessible où rien ne saurait les atteindre. Ainsi, quelque jugement suprême qu’on porte sur la vie et les travaux de Bacon, on ne saurait disconvenir que le nom de l’illustre chancelier est de ceux qui seraient sûrs de compter encore en histoire politique, quand bien même il leur serait refusé de compter en histoire littéraire. On n’exerce une grande et décisive influence sur le mouvement des esprits, on ne donne le branle et le signal à tout un siècle, on n’est le premier en date sur la liste des novateurs d’un âge révolutionnaire qu’à la condition d’être une vaste intelligence, un original et puissant génie. Les bouillantes colères de Joseph de Maistre n’y feront rien, et nous soupçonnons même que l’éloquent pamphlétaire n’aurait pas déployé tant d’efforts, n’aurait pas mis ainsi en jeu