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REVUE. — CHRONIQUE.

mettre toutes les questions pendantes en état de recevoir leur solution, saisira sans doute les chambres de plusieurs projets de loi d’une grande importance pour la prospérité du pays ; mais en cette matière, le débat restera difficilement dans les limites de l’impartialité et de la modération. Les intérêts individuels y apporteront toute leur ténacité, toute leur âpreté ; on pourrait même aller jusqu’à craindre qu’ils n’élèvent des résistances invincibles, et qu’ils ne rendent vains les efforts de l’administration. Le débat s’établira d’un côté entre Troyes et Sens, entre Dijon et Châlons, de l’autre entre Boulogne et Calais. Nous n’avons qu’un vœu à émettre, c’est que l’exécution de la loi ne se trouve pas arrêtée, c’est que les capitaux déjà employés ne restent pas trop long-temps improductifs. Ce que le pays perd par les retards apportés à l’achèvement des grands travaux, chemins de fer ou autres, est incalculable. Il n’y a pas de particulier qui ne se crût en état d’être interdit, s’il dépensait des sommes énormes pour les laisser dormir, pendant de longues années sans le moindre profit. Malheureusement, en fait de travaux publics, ce qui est déjà dépensé est en quelque sorte oublié ; on dirait que les législateurs, de même que la loi, non habent oculos retro : déplorable système en matière de finances, car il faut se demander surtout ce que les capitaux qui dorment auraient rapporté, ce qu’ils auraient vivifié d’entreprises et de travail, si on leur avait imprimé un mouvement plus rapide. Peut-être serait-ce là une considération de quelque efficacité sur ces esprits moroses et chagrins qui s’obstinent, pour une économie de quelques écus, à retarder des travaux importans et paralysent des capitaux énormes déjà dépensés.

Les nouvelles d’Afrique sont des plus favorables. Nos généraux déploient tous une rare énergie, et sont admirablement secondés par nos troupes. Il est certain que dans ce moment la puissance d’Abd-el-Kader n’est plus qu’une ombre. Ses troupes régulières sont défaites, ses alliés l’abandonnent ; il est aujourd’hui plutôt un chef de bande qu’un général d’armée. On ne peut certes avoir que des éloges pour notre administration militaire de l’Algérie : elle a été aussi habile qu’énergique.

L’armée et ses chefs ont conquis de nouveaux titres à la reconnaissance du pays. Est-ce à dire que cette lutte touche décidément à son terme ? Qui pourrait l’affirmer ? L’esprit de ces tribus est si mobile, et nous sommes si peu en état d’apprécier au juste les influences qui les dominent, qu’on peut craindre à chaque instant de voir la guerre se renouveler. La puissance de nos armes est sans contredit fortement établie dans l’opinion des tribus africaines. Tout ce que la crainte peut obtenir nous est acquis. La question est de savoir s’il faut désespérer de tout autre moyen d’influence, s’il est possible de fonder entre ces peuples et nous, malgré les différences de langue, de religion, de mœurs, d’habitudes, des relations plus intimes, des rapports plus solides, plus durables que ceux qui ne reposent que sur la force du vainqueur et sur la crainte qu’il inspire. Si cela était impossible, notre conquête