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tique dont M. Olozaga se reconnaît l’auteur, et dont il est permis de parler sans manquer aux égards dus à un accusé.

D’une manière ou d’une autre, sans délibération du conseil des ministres, à l’insu de ses collègues, il avait obtenu de la reine la signature d’un décret de dissolution, d’un décret sans date, d’un décret qu’il voulait garder dans sa poche comme un en-cas. Qu’on éloigne de ce fait toute idée de crime, nous le voulons bien ; qu’on nous dise que la religion de la reine a été surprise, qu’à treize ans on ne se tient pas suffisamment en garde contre de perfides serviteurs, que M. Olozaga a été victime d’une intrigue infernale, qu’il est facile à des courtisans de donner aux vives instances d’un ministre la couleur d’une violence criminelle, encore une fois, nous pouvons tout concevoir, et nous ne voulons aujourd’hui rien exclure, rien admettre ; mais ce que nous disons sans hésiter, c’est qu’en prenant tout au mieux, M. Olozaga a commis une faute politique qui devait nécessairement briser le cabinet qu’il venait de former et tout remettre en question.

Comment imaginer de dissoudre brusquement une assemblée qui est en ce moment la force et l’espoir de l’Espagne ? Comment rendre à un pays où les flammes de la guerre civile sont à peine éteintes toutes les chances et tous les périls d’une élection générale ? M. Olozaga voulait-il ne pas se servir du décret ? c’était une faute que de le demander. Voulait-il s’en servir ? la faute n’était que plus grave.

La dissolution de la chambre n’est pas une résolution qu’un ministre, quel qu’il soit, fût-il le président du conseil, puisse prendre tout seul. Elle doit être un fait collectif, un acte du cabinet. En obtenant le décret de dissolution sans consulter ses collègues, M. Olozaga brisait le ministère, car, à moins de supposer que ses collègues ne fussent des hommes sans aucune dignité, sans le moindre respect d’eux-mêmes, il est certain qu’ils devaient se séparer de lui dès qu’ils auraient appris qu’une mesure de cette importance avait été résolue sans leur concours.

Enfin il n’est pas moins vrai qu’il est contraire à tous les principes de se faire livrer par la couronne des décrets éventuels, des en-cas. La dissolution de la chambre est une résolution des plus graves ; nécessaire dans certains cas, à un jour donné ; elle pourrait être funeste un autre jour, dans d’autres circonstances. Quel est le droit de la couronne ? C’est de pouvoir librement apprécier ces circonstances, c’est de pouvoir opter entre le ministère et la chambre, entre un appel au pays et le renvoi des ministres. En livrant d’avance un décret de dissolution, la couronne abdiquerait une de ses prérogatives les plus essentielles, ou bien elle se placerait dans la nécessité de reprendre le jour suivant, par une sorte de subterfuge, ce qu’elle avait imprudemment livré. Ce serait manquer à la fois de sagesse et de dignité.

Quoi qu’il en soit, la paix n’existe plus en Espagne entre les progressistes et les modérés. C’est là le fait grave, le déplorable résultat de ces étranges incidens. Il est sans doute difficile, au milieu des violentes récriminations