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LA SIRÈNE.

Dans ma grotte d’azur un feu sourd me consume ;
J’ai convoité les cieux… et j’embrasse l’écume
Qu’évoque mon chant souverain.


Pourquoi semer la fleur dans le lit de l’abîme ?
Vainement, à ma voix, son parfum se ranime ;
Nul ne vient cueillir ses trésors.
Pourquoi loin du soleil, dans la nuit souterraine,
Si jeune ensevelir l’immortelle Sirène
Et sa conque pleine d’accords ?


Que ne puis-je habiter ce monde de lumière,
Où, le jeune arc-en-ciel entr’ouvrant ma paupière,
Le soir, je respire un moment !
Je hais les gouffres sourds où mon destin me plonge ;
Et j’étouffe, en secret, sous l’ennui qui me ronge
Dans mon palais de diamant.


Ô soleil entrevu ! monde heureux, diaphane,
Où toute voix résonne, où nul lis ne se fane,
Où tout m’appelle et me séduit !
À peine ai-je aspiré la vie à pleine haleine,
L’Océan sur mon sein en mugissant ramène
Le poids de l’insondable nuit.


Un moment, chaque jour, arrachée à la lie,
Du flot vain et grossier mon esprit se délie.
Mon ame plane sur les mers.
Le visage essuyé, je consulte la nue ;
Je suis des yeux l’aiglon au bout de l’étendue,
Et ma voix berce l’univers.