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REVUE DES DEUX MONDES.

Sur ton sein ruisselaient tes larmes de corail ;
Long-temps tu te miras dans la source infinie
Où des chants, fils du ciel, tu puises l’harmonie.
Ton humide regard suivit dans son rayon
L’étoile qui jaillit au bord de l’horizon,
Puis l’hymne commença. Des échos de la brise,
Des rumeurs des forêts que la tourmente brise,
Des bruits du coquillage enflés sous les roseaux,
Du chant des flots vibrant sous l’aile des oiseaux,
Ta lèvre avait formé sa liquide parole.
Les fleurs la recueillaient dans leur blanche corolle ;
Parfum, accord vivant, exhalé de ton cœur,
Les mondes, en naissant, la redirent en chœur.


L’étoile, au bord des cieux, converse avec l’étoile ;
Le brin d’herbe connaît ce langage sans voile,
Résonnant dans un rayon d’or.
Mais la Sirène est seule, et son chant de mystère,
Au branle de l’abîme en vain berce la terre ;
Nul esprit ne répond encor.


J’appelle… Qui s’émeut ? une algue de la grève.
Je soupire… Le flot éveillé par un rêve
Répond par un gémissement.
Est-ce là tout l’amour promis à la Sirène ?
Épouser les roseaux, le flot qui sur l’arène
Roule les perles en dormant !


Sur son char attelé de froids troupeaux de phoques,
En visitant mon seuil, la tempête aux yeux glauques
N’a pas encor glacé mon sein.