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cente en gouzarati et en anglais de la réfutation d’un mémoire, lu à Bombay par le docteur Wilson, touchant les dogmes de Zoroastre. Les attaques de ce savant indianiste ont enfin mis en rumeur les Parsis, jusqu’ici peu soucieux de défendre une doctrine à laquelle ils restent fidèlement attachés. Cette polémique amènera sans aucun doute la reproduction complète des textes qui traitent de la religion si peu connue des anciens Guèbres, et ce sera une richesse de plus que nous devrons à l’Inde, devenue la patrie des descendans des mages[1], qui, à peine sortis des montagnes de la Perse, virent bientôt reparaître autour d’eux leurs ennemis les musulmans.

En traçant ce rapide aperçu de l’histoire de la langue et de la littérature nées de l’invasion mahométane, notre but était d’attirer l’attention sur un idiome parlé par la population entière de l’Hindostan et par un assez grand nombre de familles de toutes les provinces, et de montrer que, depuis cinq siècles, il a été assez cultivé pour prendre rang parmi ceux de l’Asie malgré son origine bâtarde. Il a eu sur la langue ancienne de l’Inde la même influence que l’islamisme, dont il est l’organe, sur la religion primitive, représentée par le sanscrit ; on peut le regarder comme l’image d’un peuple composé désormais d’élémens bien divers, d’un pays où la mosquée lève ses minarets ornés du croissant parmi les pagodes chargées de statues monstrueuses. Bien qu’il ait sa place à la suite des idiomes appartenant à la famille musulmane, il se rattache encore à la véritable souche indienne, pareil en cela à la langue anglaise saxonne par ses racines et romanisée par la conquête normande. Survivant jusqu’au-delà du Gange à la dynastie des Mogols, il est un éclatant témoignage de l’établissement de la religion du prophète au sein et presque sur les ruines d’une croyance qui se perd dans la nuit des temps. C’est la voie par laquelle se sont répandues à travers un pays plein de légendes mystérieuses et sombres les traditions plus fraîches de la Perse et de l’Arabie ; c’est enfin le lien qui rattache l’Inde par tous les points aux célèbres et lointaines contrées que baignent le Nil et l’Euphrate.


Théodore Pavie.
  1. Les familles parsis, peu nombreuses, mais influentes par leur fortune, viennent de créer un fonds pour la publication d’ouvrages écrits en anglais, en langues orientales anciennes ou en gouzarati, qui est leur idiome moderne ; le plus riche de ces sectateurs de Zoroastre, sir Djamsetji, a souscrit à lui seul pour la somme de trois lacks de roupies (750,000 fr.).