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DE LA LITTÉRATURE MUSULMANE DE L’INDE.

lahs, on comprend le rôle important que jouent les religions en Asie. Dans cette partie du monde, les esprits forts sont rares ; on n’y connaît pas non plus cette étrange manie, trop commune parmi nous, qui consiste à respecter et à défendre volontiers toutes les croyances, excepté celle dans laquelle nous avons été élevés. Le christianisme gagne nécessairement du terrain à mesure que les populations deviennent plus éclairées, et les conversions nombreuses opérées surtout par les missionnaires catholiques prouvent que, pour les habitans de l’Inde, le sentiment religieux est un besoin. Là, on veut à toute force croire et pratiquer quelque chose, mettre les actes de sa vie sous la protection d’une divinité quelconque. Le sentiment que nous signalons se conserve d’ailleurs plus vivace encore par la lutte et l’opposition des religions diverses qui se trouvent en présence depuis des siècles. En y regardant d’un peu près, on verrait dans l’époque actuelle surtout les symptômes d’un réveil subit, dont la presse a été la cause dominante. Habitués jadis à disserter dans d’énormes et prolixes ouvrages écrits patiemment au sein de la retraite, en compagnie de quelques disciples choisis, les Hindous des deux croyances n’ont pas acquis tout d’un coup la rapidité de style, la vivacité de diction qu’exige le journalisme, la lutte de chaque jour, l’escrime quotidienne par laquelle on s’exerce à de plus sérieux combats ; mais de temps à autre ils soulèvent et discutent des questions de doctrine et de dogme avec une énergie singulière, qui va jusqu’à la violence sous le calame un peu âpre des brahmanes. Derrière ces écrivains militans, placés pour ainsi dire en avant-garde et procédant à la manière européenne, viennent ceux qui, travaillant avec conscience, servent si bien les études orientales, tout en ne songeant qu’à servir la cause de leur religion, c’est-à-dire les érudits qui se livrent à la publication des livres sacrés de l’Asie. Par suite de ce mouvement ont reparu déjà multipliés par l’impression, soit dans la langue primitive, soit dans une traduction en langue moderne, un grand nombre de manuscrits que le temps menaçait de détruire ou au moins d’altérer prochainement.

Quoique nous nous bornions à parler ici de ce qui touche l’Inde musulmane, il nous sera permis peut-être de jeter un coup-d’œil hors de notre cercle et de citer, comme exemples de cette renaissance si remarquable, les ouvrages assez nombreux qui sortent de la presse lithographique établie par les brahmanes eux-mêmes dans leur collége de Poonah, les belles éditions sanscrites menées à fin avec le secours de ces mêmes prêtres à Calcutta, et la publication ré-