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que la rose ; telles apparaissent ensemble au crépuscule du matin la nuit et l’aurore. Toutes ont le pur éclat des fleurs à peine écloses ; le gracieux mouvement de leur cou captive et subjugue ; tantôt elles promènent leurs regards au hasard, tantôt à la dérobée elles lancent de vives œillades. À chaque note perce en elles cette pensée : Prenons, prenons les cœurs ! » Plus loin, le poète décrit ainsi les jeux des compagnes de la péri qui a enlevé le jeune prince : « Elles vont et viennent de tous côtés, elles errent au hasard avec toute la coquetterie de la première jeunesse. L’une frappe ses mains, l’autre fait claquer ses doigts ; elles laissent éclater un rire bruyant et répètent de joyeuses chansons. Celles-ci sont assises nonchalamment sur leurs siéges, celles-là poussent des cris de joie et de plaisir ; l’une agite les anneaux retentissans qui ornent ses poignets, l’autre lance des exclamations d’allégresse et de bonheur. L’une montre aux regards tous les anneaux qui la parent, l’autre la dentelle de sa robe légère, cette autre encore son voile transparent. Celle-ci, gracieusement assise, fume le houkka ; celle-là, plus hautaine, brave l’amour… Ici, en voici une qui se plonge dans le bassin ; là, c’en est une autre qui s’assied au bord du ruisseau et agite ses pieds à la surface. Celle-ci écoute les contes de sa perruche, celle-là fixe ses yeux sur son oiseau-moqueur. Plus loin, cette jeune fille frappe doucement sa voisine, cette autre s’assied et peigne sa chevelure ; celle-ci cherche dans la boîte au missy la teinture dont elle entoure sa paupière, celle-là trace autour de ses lèvres la ligne noire. Ce sont les sœurs jumelles des roses ; dans le jardin, c’est comme un parterre flottant. »

À côté de ces scènes gracieuses qui ressemblent si bien aux dessins de l’Inde, enluminés et rehaussés d’or, et auxquelles manque, comme dans ces tableaux, la variété des fonds et l’entente des plans, on doit placer les chants populaires. Par ce nom, je désignerai les élégies religieuses chantées dans les fêtes du Mouharram, les stances qui égaient les mascarades et les réunions du Hôli, les petits poèmes mis en musique que récitent langoureusement les bayadères en se balançant d’un pied sur l’autre, en élevant leurs bras nus ornés de bracelets, en écartant d’une main chargée de bagues le voile fixé dans les cheveux avec l’épingle d’or. Le plus souvent, ce sont des vers composés par d’anciens poètes dont le nom s’est perdu, des strophes écloses sur la place publique comme tant de beaux romances insérés de nos jours dans les recueils espagnols, parfois aussi des chansons improvisées, en l’honneur du maître qui donne la fête, par