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REVUE. — CHRONIQUE.

trie privée, ne cesse pourtant pas de se reproduire par des voies plus ou moins indirectes. Il est des hommes, considérables d’ailleurs par leurs lumières et par leur position, qui repoussent avec force toute intervention de l’industrie privée, et qui voudraient que l’état fût seul chargé et de la construction et de l’exploitation des chemins de fer. Cette opinion, émanation des traditions impériales, nous paraît un véritable anachronisme. En dernier résultat, la dépense serait plus forte, l’exécution serait retardée, et l’esprit d’association, loin de recevoir des pouvoirs publics les encouragemens dont il a besoin, se trouverait, pour ainsi dire, étouffé au berceau. Au reste, quelle que soit la faveur dont jouit la centralisation, et quelle que soit la puissance de cette habitude nationale de tout faire par la main de l’administration publique, nous avons peine à croire que les pouvoirs de l’état veuillent, contrairement au principe récemment établi, s’engager dans la voie où l’on s’efforce de les entraîner. Ce serait un singulier moyen de rétablir l’équilibre du budget que de repousser les capitaux de l’industrie privée pour mettre complètement à la charge de l’état la construction et l’exploitation des voies de fer. L’essentiel, dans ces entreprises si coûteuses et qui demandent des avances si considérables, c’est de prévenir, par la rapidité des travaux et par une administration active et éclairée, le chômage d’énormes capitaux. Or, certes, il n’y a pas d’administration publique qui puisse, sous ce rapport, se flatter d’atteindre au succès des industries privées.

Au surplus, ce que nous désirons plus encore que tel ou tel système, c’est l’exécution des travaux que le pays attend, et qui sont nécessaires au développement de sa prospérité et de sa puissance.

Les conseils-généraux achèvent leur session. Il est peu d’institutions qui aient aussi promptement réalisé tous les résultats qu’on avait droit d’en espérer. Sans porter la moindre atteinte à cette puissante centralisation qui est la force et la gloire de notre pays, les conseils-généraux électifs ont rendu aux départemens et aux intérêts locaux la vie politique qui leur appartient. Par la satisfaction qu’ils obtiennent, ces intérêts perdent ainsi tout sentiment d’hostilité envers l’intérêt général et en deviennent au contraire de puissans auxiliaires. L’administration centrale, sans en être entravée, trouve dans les délibérations des conseils-généraux d’utiles avertissemens et de précieuses lumières.