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comme de vraies révélations tout ce que M. Meneval nous apprend des évènemens qui suivirent. Nous voyons l’empereur insister dans toutes ses notes pour que Marie-Louise l’accompagne à l’île d’Elbe, Corvisart, — l’avis de Covisart venait bien à point, — s’y opposer au contraire de la manière la plus formelle ; M. de Metternich insister pour qu’avant toute détermination ultérieure l’impératrice fasse un voyage en Autriche. Il va sans dire que ce dernier avis prévalut. Mais ce qui est certain, c’est qu’il ne rencontra aucune résistance apparente dans la volonté de Marie-Louise. Seulement elle eut, après sa résolution prise, quelques accès de mélancolie et quelques larmes précieusement recueillies par son respectueux et bienveillant secrétaire. Il relève par exemple, et à bon droit, comme une inconvenance et un oubli des égards dus à sa maîtresse, les visites successives qu’elle reçut de l’empereur Alexandre et du roi de Prusse.

Son sort une fois décidé, Marie-Louise avait hâte, nous le concevons, de quitter le sol français. Ce fut dans les rians paysages de la Suisse qu’elle alla porter sa première tristesse, dirons-nous ses derniers remords. Elle éprouvait en effet quelques regrets de n’avoir point rejoint Napoléon à Fontainebleau. Néanmoins, comme nous le dit M. Meneval, elle se promena sur le lac de Zurich, et « jouit des beautés qui abondent dans ces contrées favorisées de la nature. » D’autres distractions non moins légitimes firent plus loin trêve à sa douleur : à Waldsee, par exemple, où le prince lui présenta sa femme grosse de son dix-septième enfant, et sa fille, chanoinesse du chapitre de Salzbourg.

Elle s’acheminait ainsi vers Schœnbrunn, au milieu des acclamations stupides du peuple allemand, qui semblait l’envisager comme quelque froide statue enlevée naguère au musée impérial, et reconquise par la victoire. Ils oubliaient, les honnêtes Tyroliens, que pour revoir la Gloriette, — le Trianon du Versailles autrichien, — Marie-Louise avait dû perdre le plus beau trône que femme ait partagé depuis l’obscure épouse de Charlemagne. À cet égard du reste, ils pensaient ce qu’elle sembla penser depuis, et sa mémoire fut de bien peu moins courte que leur intelligence.

Cependant une des personnes qui l’entouraient, — une seule il est vrai, — lui rappelait quelquefois les devoirs de sa position. C’était sa grand’mère, la fille de Marie-Thérèse, la sœur de Marie-Antoinette, l’ex-reine de Naples, alors reine de Sicile, la fameuse Caroline enfin. Celle-là comprenait ce qu’il convenait de faire quand on avait été, quand on était encore impératrice. Ennemie déclarée de Napoléon tant qu’il avait été grand et puissant contre elle, maintenant elle lui rendait justice, elle oubliait ses griefs, elle s’indignait des manœuvres employées pour arracher Marie-Louise à ce glorieux hymen qui l’avait placée si haut. Ô bizarre enchaînement des destinées, contraste plus bizarre encore des positions et des sentimens ! la reine dix fois adultère, l’épouse infidèle et flétrie, s’efforçait de ramener à son devoir la femme irréprochable de César, celle qui jamais n’avait été soupçonnée. Il fallait, selon