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d’environ 350 lieues de France, et qui dépasse tout ce qui a été fait dans ce genre, au compte du trésor, dans les autres pays de l’Europe, est sur tous les points en voie d’exécution, et doit être terminée dans un délai de quatre ou cinq ans. « Pour quiconque connaît la réserve prudente de l’administration autrichienne, ajoute avec raison M. de Tegoborski, il n’est pas douteux que le gouvernement n’ait mesuré ses ressources à l’immensité de la tâche qu’il s’est volontairement imposée. » En même temps, la construction du pont qui doit rattacher Venise à la terre ferme, monument gigantesque et très dispendieux, démontre que l’Autriche n’en est plus à l’époque où une économie mesquine était de rigueur.

Des résolutions de cette importance découlent assurément de quelque grande pensée politique. Depuis que l’épée de Napoléon, en brisant la couronne du saint-empire, a dissipé le prestige qui faisait la principale force de la maison d’Autriche, la suprématie est partagée en Allemagne entre Vienne et Berlin. Il entrait dans la tactique de la diplomatie européenne d’entretenir les deux cours dans un état de rivalité irritante, de surveillance jalouse ; mais, depuis quelques années, l’association des douanes allemandes paraît devoir déranger l’équilibre. Institué et maintenu par l’influence de la Prusse, le Zollverein identifie si bien les intérêts matériels de cette puissance avec ceux des états secondaires, qu’il réalise une sorte de conquête sous l’apparence d’un patronage commercial. L’indifférence de la part du cabinet de Vienne serait une abdication, Deux partis seulement lui restent à prendre : dénaturer l’association prussienne en s’y faisant admettre, ou contrebalancer ses succès et son influence en devenant l’ame d’une association rivale.

L’adjonction d’une monarchie aussi considérable à elle seule que tous les états déjà associés bouleverserait le Zollverein. Il est douteux qu’une association florissante consente à déchirer le contrat qui existe pour accepter des chances nouvelles. La Prusse ne se résignerait pas sans peine à descendre au second rang, après avoir eu jusqu’ici la haute main. De son côté, l’Autriche, avant d’engager son avenir, aurait de graves questions à résoudre. Entrerait-elle dans l’association douanière avec la totalité de ses possessions, ou seulement avec celles qui font déjà partie de la confédération germanique ? Dans le dernier cas, elle s’exposerait à mécontenter la Hongrie, la Gallicie, et surtout les provinces italiennes ; elle soulèverait elle-même un obstacle à cette fusion des peuples, à cette unité administrative qui est le but principal de ses efforts. La première combi-