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POLITIQUE FINANCIÈRE DE L’AUTRICHE.

autre mode d’emprunt d’autant plus dangereux qu’il échappe à tout contrôle légitime, et que les gouvernemens résistent difficilement à la tentation d’en abuser. Il en fut ainsi en Autriche. Dès le début de la guerre, les anciennes obligations émises par Marie-Thérèse et Joseph II furent démonétisées et remplacées par des billets de banque dont les émissions successives atteignirent en quinze ans la somme énorme de 1,060,798,653 florins, près de trois milliards de francs. En même temps, pour remplacer la monnaie d’argent qui passait à l’étranger, on frappait des pièces de cuivre dont le titre légal ne représentait pas la cinquième partie de leur valeur intrinsèque. L’échange des billets contre des espèces n’étant pas plus possible que désirable, la dépréciation commença ; si bien qu’en 1811 le cours du papier évalué en bonne monnaie tomba jusqu’au douzième de sa valeur nominale. Le gouvernement épuisa en vain ses dernières ressources pour soutenir le crédit en constituant un fonds d’amortissement : tous les expédiens financiers furent inutiles ; il fallut baisser le front et avouer la banqueroute. Une patente impériale du 20 février 1811 mit hors de cours les billets de banque, en offrant de les échanger contre de nouveaux billets avec perte des quatre cinquièmes de leur valeur. Le même acte réduisait les intérêts de toutes les rentes sur l’état à la moitié de leur taux primitif, payable en billets de nouvelle création. Mais à cette époque, Napoléon était parvenu à l’apogée de sa puissance : l’ombre du géant faisait trembler l’Allemagne. En Autriche surtout, le découragement était si général, que, malgré les efforts du pouvoir, les billets de rachat perdirent en peu de temps les trois quarts de leur valeur conventionnelle. Pour soutenir la lutte décisive de 1813, il fallut encore élargir l’abîme. On répandit à profusion un nouveau papier-monnaie, malgré la promesse qui avait été faite solennellement de ne plus employer cette dangereuse ressource. L’Autriche gagna du moins la partie sur ce dernier enjeu. Après la campagne de 1815, elle reçut 140 millions de francs pour sa part dans la contribution de guerre imposée à la France. Cette somme, consacrée au soulagement des charges publiques et un emprunt bien conduit, améliorèrent la situation financière du pays. Bref, tel était, suivant M. de Tegoborski, le bilan de la monarchie autrichienne, lorsqu’en 1816 on entama les grandes opérations qui devaient relever la fortune publique.

1o Papier-monnaie en circulation : valeur nominale 678,712,838 florins, représen-