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C’est à quoi il faudrait arriver en pressant vos paroles. Sous ces enseignemens différens, il y a une morale sociale sur laquelle repose la vie nouvelle. Dans la situation actuelle, chaque secte, chaque église ayant un enseignement distinct, il s’ensuit évidemment la nécessité d’une éducation publique, qui, en liant les éducations particulières, achève de lier et de coordonner dans la conscience générale les doctrines différentes. L’argument décisif pour l’intervention de l’état en matière d’éducation se tirera toujours du principe que vous venez de mettre en avant pour la combattre.

Car il ne suffit pas de se tolérer les uns les autres ; il faut encore être réciproquement d’intelligence. Or, qui enseignera au catholique l’amour du protestant ? Est-ce celui-là même qui inculque l’horreur du dogme protestant ? De bonne foi, pouvez-vous développer dans autrui le sentiment intime des droits et de la dignité de l’israélite, vous qui, dans le royaume où vous êtes le maître, venez de proscrire toute relation amicale entre le juif et le chrétien ? Pouvez-vous professer le respect pour ceux que vous anathématisez ? Pouvez-vous développer le sentiment de fraternité religieuse qui est l’ame de la société dans laquelle nous vivons ? Vous le pouvez si peu, que ce principe tout nouveau de la vie sociale n’existe pas à vos yeux, puisque vous ne vous posez pas même la question qui en dérive. C’est assez pour vous de maintenir les communions dans un isolement profond. L’idée de les mettre en rapport les unes avec les autres ne paraît pas une seule fois vous occuper, et pourtant c’est là toute la difficulté du problème. Reconnaissez donc qu’en restant dans les termes où vous vous renfermez, il est toute une partie de l’homme moderne qui vous échappe.

Entre des cultes désormais égaux, il faut une intervention spirituelle qui ramène à la paix ceux que tout pousse à la guerre, et les sectes, les églises séparées, avouant leur impuissance à la conciliation, nous revenons par tous les chemins à cette conséquence : qu’il faut chercher ailleurs l’enseignement de cette morale sociale, sans laquelle il y a désormais des catholiques, des dissidens, des philosophes, c’est-à-dire des partis, des sectes, et point de France.

Ne croyez pas d’ailleurs aisément que ceux que vous choisissez pour adversaires ne soient mus que par de petites pensées ; ils croient fermement que le problème de la société nouvelle est tout entier engagé dans les questions que vous posez : voilà tout. Si vous trouvez tant d’obstacles dès que vous voulez, sous une forme ou sous une autre, mettre une barrière aux rapprochemens religieux des ames, c’est, d’une part, que vous touchez à ce qui résume tout le progrès