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RÉPONSE À M. L’ARCHEVÊQUE DE PARIS.

Quels sont ceux qui unissent ? quels sont ceux qui divisent ? voilà bien ce qu’il s’agit de savoir.

Que vous nous reprochiez d’allier ce que l’ultramontanisme sépare, je le comprends ; mais il est difficile de concevoir en quoi nous divisons, lorsque, au lieu d’élever les communions les unes contre les autres, nous cherchons au contraire les points de ressemblance et de contact. Jusqu’ici, on nous avait accusé de réunir ce qui ne veut pas être uni, de rapprocher ce qui veut être séparé ; on appelait cela panthéisme. Aujourd’hui, monseigneur, vous nous accusez de diviser. Ces deux inculpations ne peuvent subsister ensemble. Il faut choisir, puisque l’une réfute nécessairement l’autre.

Ceux qui divisent sont ceux qui veulent que chaque secte, chaque église, soit un monde séparé, clos pour jamais, sans nul contact d’éducation avec ce qui s’en rapproche le plus, que les générations nouvelles ne se rencontrent nulle part dans un symbole commun, que les hommes, dès le berceau jusqu’à la tombe, passent à côté les uns des autres sans se toucher ni se reconnaître ; qu’il y ait dans la France plusieurs Frances inconciliables entre elles, et dont l’une apprenne à jeter éternellement l’interdit à toutes les autres.

Ceux qui unissent et édifient sont ceux qui, en respectant les églises particulières, croient qu’elles sont contenues dans une église plus compréhensive, qui est le christianisme ; que, dès-lors, loin de séquestrer systématiquement chaque croyance, d’envenimer par-là et d’exagérer souvent les points de litige, il est bon de rapprocher, au moins un moment, dans un symbole commun d’éducation, les intelligences destinées à former une seule et même société. En rapprochant des cultes frères, ils unissent ; ils édifient en tendant, par un mouvement continu de l’ame chrétienne, à l’association des esprits dans la cité promise. Évidemment, l’état, qui se place à ce point de vue dans sa constitution, est plus près de l’église universelle que ne l’est l’ultramontanisme en ne parlant jamais que de séquestration, de séparation et d’isolement.

Vous demandez, monseigneur, quelle mission morale l’état, en le supposant bien ordonné, peut accomplir dans l’éducation ; vous faites vous-même la réponse, quand vous avancez une chose bien grave en effet, que chaque secte, chaque religion possède un enseignement moral qui forme un corps de doctrines fort différent. Entre ces morales particulières, je demande à mon tour, qui montrera le lien des unes et des autres ? qui décidera ? Sans doute, ce ne peut être aucune secte. Formerez-vous donc dans la société autant de consciences différentes qu’il y a de communions séparées ?