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tisés qui, pour réclamer l’indépendance du jésuitisme, essayèrent d’abord d’étouffer la nôtre ! Un seul mot de sa bouche eût sans nul doute fait rentrer dans les bornes nécessaires ce zèle aveugle, et l’on n’eût pas vu, par une contradiction qui fait excuser aujourd’hui un peu de défiance, les partisans les plus entiers de la liberté d’enseignement commencer par essayer d’écraser l’enseignement.

« Vous devez, continue M. l’archevêque, déplorer votre succès, puisque les passions ont été déchaînées. Vous devez le déplorer, parce qu’il ne donne pas une gloire solide ; vous devez le déplorer, parce qu’il n’a jamais donné le véritable bonheur. »

Pour des hommes dont on veut étouffer la voix, le succès est de pouvoir parler. Cela établi, je ne vois pas clairement en quoi il faut déplorer que nos adversaires n’aient pas réussi. Qui aurait gagné à notre défaite ? sans contredit, la force brutale, la violence, qui, un autre jour, aurait pu tout aussi bien se retourner contre d’autres. Ah ! monseigneur, quelle triste victoire vous eussiez obtenue là ! et qu’il est bon, je crois, pour votre propre cause, que nous n’ayons pas laissé s’établir, par un précédent éclatant, ce droit de la violence sur la pensée ! Si la résistance à l’oppression grossière ne donne pas le véritable bonheur, ce n’est pas moins un devoir de la repousser. Quant à la gloire solide dont vous parlez, je ne vois pas davantage en quoi ce mot peut s’appliquer ici. Dans ces affaires d’école, il n’est guère ordinairement question de gloire ; tout ce qu’on peut faire, c’est d’y mériter obscurément l’estime de quelques hommes, et peut-être aussi en secret la vôtre, monseigneur !

Au milieu des plus hautes questions, pourquoi faut-il que le premier archevêque de France ait écrit les mots, qu’on va lire ? Comment la crosse sainte a-t-elle pu relever dans la poussière une insinuation telle que celle-ci : « Nous rapportons, sans en garantir la vérité, un autre motif d’opposition ; serait-il vrai que la chaire évangélique pût exciter de tristes jalousies, lorsque son succès dépasse celui de quelques autres chaires entourées d’auditeurs moins nombreux et moins empressés ? » Et cela est dit tranquillement, posément, sans scrupules ! après une légère hésitation, cela est confirmé avec une pleine autorité par cette réflexion austère « Quel est celui qui, même dans les nobles travaux de l’intelligence, n’a pas à se défendre des susceptibilités de son amour-propre ? » Ainsi, voilà le diocèse de Paris solennellement averti. Quelques personnes des plus religieuses avaient cru pouvoir s’expliquer notre marche par la nécessité de la défense, par une curiosité inquiète, ou encore par