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RÉPONSE À M. L’ARCHEVÊQUE DE PARIS.

n’auraient entre eux de commun que le nom. Ou les mots ont changé de sens, ou tout ceci n’est rien autre chose que ramener la société à la division, au partage civil et politique, c’est-à-dire au schisme.

Enfermez les intelligences dans l’isolement où le système de M. l’archevêque tendrait à les ramener ; après un demi-siècle, que trouverez-vous pour résultat ? Des esprits nourris dans des traditions qu’ils croiront inconciliables, des sectaires ardens qu’aucun point commun ne reliera, de nouveaux fermens de guerres civiles et religieuses, le combat renaissant et acharné des prêtres et des philosophes, une société systématiquement divisée et morcelée, les générations parquées dès le berceau dans des préjugés et des haines mutuelles, quoi encore ? des fanatiques et des sceptiques. Au milieu de tout cela, que devient l’œuvre des temps et de la Providence, la France, le pays de l’unité ? Vous l’aurez divisé, brisé, autant que vous aurez pu. Vous aurez fait le contraire de ce que fait la Providence. En serez-vous plus chrétiens ?

Tout le principe de l’éducation publique repose sur la nécessité que les générations nouvelles, après avoir reçu les tendances, les inspirations du foyer domestique, les enseignemens des croyances particulières, se rencontrent un moment pour se lier dans un même esprit. Par là, en gardant les affections originaires, elles apprennent à se sentir issues du même pays, membres de la même famille ; et c’est ce principe d’alliance qui vous fait ombrage, et que vous travaillez à ruiner autant que vous le pouvez !

Mais plus vous l’attaquez au nom de l’église, plus vous montrez la nécessité de le sauver au nom de l’état. Ou l’Université n’est rien (et dans ce cas il est bon d’en ôter jusqu’au nom), ou elle doit représenter dans ses doctrines cette unité morale de la société française et ce principe d’alliance que vous poursuivez dans son germe. Qu’elle ose se placer sur ce terrain. Il n’appartiendra à aucune secte de la ruiner dans son principe, puisqu’aucune ne peut la remplacer.

L’état a en soi une vie religieuse, sans quoi il ne subsisterait pas un seul jour. Seulement, il est vrai que cette vie n’a plus pour unique règle l’autorité catholique, depuis que la société, en grandissant, s’est établie non plus sur une fraction de l’église, mais sur le christianisme tout entier. Et lorsqu’en constatant ce fait, qui résume l’esprit des temps nouveaux, j’invite l’autorité spirituelle à ne pas se laisser devancer par le pouvoir temporel dans l’œuvre de l’alliance et de la société universelle, vous ne voyez dans ces paroles qu’impiété ; puis vous ajoutez :