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aussi bien que les whigs, n’ont pas jugé indigne de la grandeur de leur pays, de proportionner les dépenses aux modestes débuts d’un établissement qui n’est pas destiné à devenir une colonie de premier ordre. — Il n’est pas sans intérêt non plus de suivre la tentative qui se fait aux îles Falkland, et ce sujet se rattachait intimement à l’ensemble de nos études sur la politique coloniale de l’Angleterre. L’histoire de l’occupation de cet archipel montre sous des faces diverses le génie du gouvernement anglais, qui de tout temps a mis au service de son ambition, ou plutôt des intérêts nationaux, un esprit d’entreprise, d’opiniâtreté et de prévoyance qu’on ne saurait trop admirer. Il est vrai qu’à ces grandes qualités s’unit trop souvent un mélange indéfinissable d’audace effrénée et de mauvaise foi, qui s’efforce de couvrir du manteau du droit les actes les plus injustes ; cela est incontestable. Blâmons tout à notre aise ce que l’on se plaît à appeler l’ambition insatiable de l’Angleterre, mais n’oublions pas que les lois de la morale privée n’ont jamais été en vigueur dans la grande morale, c’est-à-dire dans la conduite des nations, où les moyens les plus iniques ont souvent été mis au service des causes les plus saintes, et ont presque toujours été le fondement de la grandeur des empires. Ne condamnons pas dans l’Angleterre ce que nous admirons dans la politique de Richelieu, de Louis XIV et de Napoléon, qui ont fait successivement de la France l’arbitre des destinées du monde. Louons-la plutôt, imitons-la, quand ces instrumens de puissance, au lieu de servir à satisfaire une misérable ambition personnelle, tendent à agrandir le domaine de l’homme, à répandre les lumières de l’intelligence et les progrès de l’esprit humain.


P. Grimblot.