Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/819

Cette page a été validée par deux contributeurs.
813
LES ÎLES FALKLAND.

bénéfices d’un monopole condamné à ne pas toujours durer. Dans l’état de torpeur où sont aujourd’hui en France les entreprises commerciales, notre pavillon est devenu à peu près étranger à ces mers, dans lesquelles nos pères, plus hardis et plus industrieux, recueillaient des profits énormes. Qu’importe à notre marine que l’Angleterre établisse des comptoirs et des points de relâche dans les îles Falkland et sur les terres adjacentes, qu’elle s’attribue le monopole de la pêche dans ces parages ? La chasse aux phoques est une industrie entièrement ignorée de nos marins, et des vingt-sept baleiniers sortis de Nantes et du Hâvre dans l’année 1841, combien sont allés tenter la fortune dans les lointaines mers australes ? Nos relations avec l’Amérique du Sud, qui offre un si vaste champ aux spéculations commerciales, sont stationnaires et se bornent à peu près au littoral de l’Atlantique, où elles luttent avec peine contre la concurrence des Anglais et des Américains du Nord. Dix navires seulement portant le pavillon français ont doublé, en 1841, le cap Horn. La somme de nos importations dans la mer Pacifique, c’est-à-dire dans les ports de la Nouvelle-Grenade, de Guatimala, du Pérou, de Bolivia, du Chili et de la république de l’Équateur, s’est à peine élevée, dans la même année, à 17 millions de francs, tandis que l’Angleterre a jeté dans ces six états pour plus de 62 millions de francs de produits manufacturés seulement. Que sera-ce quand les îles Falkland seront une colonie anglaise ?

Cet état de choses est déplorable ; il est indigne du rôle que la France est appelée à jouer dans ces mers, qui deviennent de jour en jour davantage le but des entreprises des Anglais et des Américains. Les intérêts de notre commerce, de notre industrie, réclament hautement la sollicitude du gouvernement, et une intervention plus éclairée que celle qui nous a valu l’occupation des îles Marquises et de la Société. Cette situation est-elle sans remède ? Non assurément. Nous n’avons pas dédaigné d’emprunter à l’Angleterre la forme et l’esprit de ses institutions politiques ; demandons-lui aussi le secret de sa puissance coloniale. Elle est depuis bien peu de temps maîtresse des îles Falkland, et pourtant, dans le petit nombre des actes de son administration, il y a pour nous un enseignement utile, immédiat, et qui ne devrait pas être perdu pour nos hommes d’état : c’est la prudence, on dirait volontiers la timidité qui a caractérisé toutes ses mesures ; c’est une sage hésitation à prendre un parti avant de connaître parfaitement les conditions naturelles du sol, et ce fait non moins remarquable, que tous les hommes d’état anglais, les tories