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îles, le gouvernement anglais songeât à prendre possession des côtes de la Patagonie et des terres et îles adjacentes. En admettant même que la République Argentine ait succédé à tous les droits de l’Espagne, elle ne saurait prétendre à la propriété de ces contrées. La cour de Madrid n’y a jamais exercé la souveraineté en fait ; elle n’y a jamais eu ni officier ni autorité ; les naturels du pays ont constamment repoussé sa domination. Elle avait sans doute plus de droits à s’y établir que toutes les autres puissances, à cause du voisinage de ses possessions ; mais elle n’en a pas usé, et ces pays et ces îles sont rentrés dans le domaine commun et appartiennent au premier occupant. Il est permis de croire que les Anglais ne tarderont pas à se lasser des prétentions du gouvernement argentin de régler la pêche sur les côtes de ces terres, où il n’a aucun établissement. L’Espagne, il est vrai, exerçait ce droit sans contradiction, mais les temps de la domination exclusive de l’Espagne dans les mers d’Amérique ne sont plus ; les autres nations ont recouvré le droit imprescriptible de naviguer librement dans les mers ouvertes et dans les baies et les havres non occupés. Si l’on n’y prend garde pourtant, et si aucune puissance n’y met obstacle, l’Angleterre s’arrogera les droits exercés autrefois par la cour de Madrid.

Les projets des Anglais dans les îles Falkland et dans les mers adjacentes intéressent particulièrement les États-Unis. Outre le commerce considérable qu’ils font avec les républiques américaines, les ports de la Nouvelle-Angleterre voient sortir chaque année plus de trois cents navires armés pour la pêche de la baleine et la chasse aux phoques. Jusqu’à ce jour, il a été permis aux Américains d’user librement des îles Falkland. Ce privilége leur sera-t-il continué par la Grande-Bretagne, qui est intéressée à gêner et à restreindre leurs entreprises dans ces mers ? Cela est douteux. Les États-Unis n’ont aucune prétention à la propriété des îles Falkland, mais ils peuvent réclamer pour leurs navires le droit absolu et sans restriction de naviguer dans les parages de cet archipel, et de s’y livrer à leur gré à la chasse ou à la pêche ; ils peuvent exiger le libre accès des côtes et des baies, et il ne serait pas impossible que, dans un avenir plus ou moins éloigné, les îles Falkland fussent le sujet d’un conflit entre la Grande-Bretagne et les États-Unis.

Il est pénible d’avouer que ces entreprises de l’Angleterre touchent médiocrement les intérêts français. Tandis que les puissances maritimes, nos rivales, étendent à l’envi leurs relations sur toutes les mers du globe, nos armateurs semblent se renfermer dans les étroits