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secrétaire d’état de ce département, à cet officier prouvent qu’à cette époque le gouvernement était encore incertain sur le genre d’établissement qu’il convenait de fonder. Il attendait les observations de ce gouverneur pour décider s’il était préférable, dans l’intérêt de la marine et du commerce, le seul en vue jusque-là, d’occuper seulement un poste dans le voisinage du meilleur havre, ou de faire un appel à l’émigration ; s’il valait mieux, ce dernier plan adopté, prendre l’initiative de la colonisation, ou en remettre le soin à une compagnie privée. Cette prudente indécision était partagée par tous les hommes d’état anglais, car, un mois après, le cabinet whig était remplacé à la tête des affaires par l’administration de sir Robert Peel, et lord Stanley, chargé du ministère des colonies, approuvait tous les actes de son prédécesseur.

Le gouverneur Moody arriva au Port-Louis dans les premiers jours de janvier 1842. Il n’amenait avec lui qu’un détachement de mineurs et de sapeurs, qui devaient l’aider dans sa tâche d’agrimenseur. En ce moment, la population du Port-Louis se composait de gauchos employés pour le compte du gouvernement à chasser les bœufs sauvages nécessaires aux besoins des habitans et des navires qui relâchaient aux îles Falkland, d’un petit nombre d’individus, débris de la colonie introduite par Vernet, et de quelques Anglais occupés à la pêche et à la chasse des phoques : en tout cinquante-deux hommes, dix femmes, et seize enfans de l’un et de l’autre sexe. M. Moody commença par explorer les côtes des deux îles principales, et particulièrement celles de l’île orientale. Il lui avait été enjoint de rechercher et d’indiquer le meilleur havre pour y fixer le siége du gouvernement colonial. Déjà les officiers de marine avaient signalé les inconvéniens de celui de Berkeley-Sound, et avaient désigné le Port-William, à une très petite distance du Port-Louis, comme le plus propice. Après un mûr examen, M. Moody se rangea à leur avis. En effet, le Port-William est d’un accès plus facile, ouvert à tous les vents, et situé auprès de la pointe la plus orientale de tout l’archipel. Il a deux rades extérieures vastes et d’une grande sûreté. La passe du port proprement dit est large, profonde, et les navires du plus fort tonnage la traversent par tous les temps ; dans son enceinte tiendraient aisément vingt vaisseaux de ligne. Ces avantages devaient le faire préférer au Port-Louis ; aussi, quoique tout y fût à fonder et que le sol des environs fût moins favorable à la culture, le conseil de l’amirauté et le ministère des colonies n’hésitèrent pas à adopter le choix du gouverneur, et, comme on le voit par une dépêche de