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LES ÎLES FALKLAND.

n’ont pas songé à en faire mention dans la reprise de leurs relations avec l’Angleterre depuis la rupture de 1795. La situation réciproque des deux puissances a éprouvé de si profondes modifications depuis cette époque, qu’il n’est pas surprenant que ce traité, conclu en 1790, ait été sitôt et comme d’un commun accord laissé dans l’ombre. Mais alors on pourrait demander à l’Angleterre de se prononcer nettement, car si elle admet que cette convention subsiste, son titre à la propriété des îles Falkland est mis à néant ; si, pour le maintenir, elle considère ce traité comme non-avenu, pourquoi l’invoque-t-elle pour réclamer la propriété exclusive du territoire de l’Oregon ? Puisqu’elle parle de droits, et qu’elle a la prétention de couvrir ses empiètemens du manteau de la justice, qu’elle choisisse entre les îles Falkland et la côte nord-ouest de l’Amérique du Nord.

Quoi qu’il en soit, la République Argentine avait trop d’embarras intérieurs pour se préoccuper bien vivement de l’insulte faite à son pavillon et des intérêts de Vernet. Aussi la note de lord Palmerston, destinée seulement à justifier les entreprises de l’Angleterre aux yeux des États-Unis et des puissances maritimes de l’Europe, resta sans réponse, et la Grande-Bretagne est depuis cette époque demeurée maîtresse absolue et incontestée des îles Falkland. En prenant possession de ces îles, le gouvernement résolut de ne se hâter en rien et de prendre le temps de la réflexion avant d’adopter un parti définitif. C’est ce que prouvent clairement les volumineux papiers imprimés en 1841 et dans le mois d’avril dernier, par ordre du parlement. Ces papiers ne sont en quelque sorte que le procès-verbal d’une longue et minutieuse enquête sur l’état naturel du pays, les conditions du sol, les avantages et les désavantages qu’y rencontreraient l’agriculture, l’élève des bestiaux, sur les ressources qu’y trouveraient des émigrans, et la classe d’hommes qui serait la plus propre à y former une colonie.

Durant les premières années de l’occupation, les îles Falkland étaient sous la dépendance du conseil de l’amirauté, dont le premier soin fut de faire lever des cartes exactes des côtes et le plan de l’île orientale. Un lieutenant de vaisseau, ayant à sa disposition un sloop de guerre, était chargé de la police générale de ces parages, et de faire respecter les droits de l’Angleterre. Cet état de choses, nécessairement transitoire, fut conservé jusqu’au mois d’août 1841. À cette époque, les îles Falkland passèrent sous le régime du ministère des colonies et reçurent un gouverneur, le lieutenant de génie Moody. Les instructions de lord John Russell, alors