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quelle il entassa tous les prétextes que lui fournit son aventureuse imagination pour couvrir des apparences du droit le bon plaisir du cabinet anglais.

Dans cette note, lord Palmerston remontait au principe des prétentions de l’Angleterre, c’est-à-dire à la découverte de Davis et d’Hawkins, et à l’exploration faite par Strong. Il résumait de la manière suivante le tableau historique des vicissitudes diverses de ces prétentions. « Les droits de l’Angleterre à la souveraineté des îles Falkland, disait le noble lord, n’ont jamais été contestés ; ils ont été nettement affirmés et soutenus durant les discussions avec l’Espagne en 1770, et la cour de Madrid ayant restitué à sa majesté britannique les places d’où les sujets anglais avaient été expulsés, la République Argentine ne pouvait pas raisonnablement attendre que l’Angleterre permît à aucune puissance d’exercer, en vertu des prétentions de l’Espagne, un droit qu’elle avait contesté à l’Espagne elle-même. » Il passait ensuite à l’examen des causes de l’abandon du Port-Egmont en 1774, s’efforçant de prouver, par de nombreux extraits de la correspondance entre le gouvernement anglais et ses ministres auprès de la cour de Madrid, qu’il n’avait pas existé de clause secrète, et que cet abandon se rattachait à un système d’économie commandé par de graves embarras politiques et financiers. Il en concluait naturellement que le titre de l’Angleterre était incontestable, et le seul valable. Toutefois, puisqu’il tenait tant à mettre dans leur jour le plus éclatant l’intégrité et la valeur du titre de la Grande-Bretagne à la propriété exclusive des îles Falkland, lord Palmerston n’aurait pas dû, ce nous semble, passer sous silence la convention de Nootka. Lord Palmerston n’ignorait pas sans doute que l’article VI de ce traité, tout en donnant à l’Angleterre le droit qui lui avait été jusque-là disputé de pêcher et de naviguer dans les mers et sur les côtes de l’Amérique du Sud, lui interdisait formellement de fonder aucun établissement, si ce n’est temporaire et seulement pour les besoins de la pêche, sur le continent américain et dans les îles adjacentes, au sud des possessions espagnoles. Comme on voit, cette restriction s’appliquait implicitement aux prétentions de l’Angleterre sur les îles Falkland. Personne ne s’y trompa en Angleterre, et les droits de la Grande-Bretagne sur ces îles, alors négligées et dédaignées, furent hautement revendiqués dans le parlement par M. Fox et M. Grey. Sans doute lord Palmerston, interrogé sur ce silence nullement involontaire, alléguerait pour excuse le peu d’importance attaché à ce traité par les Espagnols eux-mêmes, qui