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tant même que la Patagonie, les îles Falkland et les autres terres adjacentes eussent fait partie du territoire de la vice-royauté de la Plata, son titre aurait encore été fort contestable ; en effet, pourquoi appartiendraient-elles à celle des provinces du ressort de laquelle elles dépendaient, plutôt qu’à toute autre province des anciennes possessions de la couronne d’Espagne ?

Quoi qu’il en soit, le gouvernement de Buenos-Ayres tenait les îles Falkland pour sa propriété, et les traitait comme telles. En 1825, un Allemand du nom de Louis Vernet, qui, après un long séjour dans les États-Unis, s’était établi à Buenos-Ayres et s’y était marié, obtint de ce gouvernement, en échange d’une créance de la famille de sa femme, le privilége exclusif de la pêche sur les côtes et dans les parages des îles Falkland, avec le droit de former des établissemens dans l’île orientale. Vernet ne prétendait pas moins que monopoliser les bénéfices énormes que réalisaient chaque année les Américains par la chasse des phoques, qui étaient alors très abondans dans ces mers. Les espérances qu’il avait fondées ne se réalisant pas, parce qu’il manquait de l’autorité nécessaire pour interdire l’accès des îles Falkland aux navires étrangers, Vernet obtint, en 1828, la propriété absolue de l’île orientale, et fit étendre le monopole qui lui avait été abandonné aux côtes de la Patagonie et de la Terre-de-Feu. Cette concession fut confirmée par deux décrets promulgués le 10 juin de l’année suivante.

Jusque-là, les déclarations et les actes de la République Argentine relatifs aux îles Falkland n’avaient pas fixé sérieusement l’attention des autres puissances ; mais quand, par ces décrets, Vernet eut été proclamé propriétaire de l’île orientale, gouverneur politique et militaire de tout l’archipel, lorsqu’il fut parti avec une expédition et les pouvoirs nécessaires pour entrer en possession des droits qui venaient de lui être remis, il devint urgent aux puissances intéressées au maintien de la libre navigation dans ces parages de pourvoir à la protection de leurs nationaux. En conséquence, le 19 novembre de la même année, M. Woodbine Parish, consul-général de la Grande-Bretagne à Buenos-Ayres, adressa au ministre des affaires étrangères du gouvernement argentin une protestation contre la conduite de la république à l’égard des îles Falkland. Dans cette protestation, M. Woodbine Parish déclarait que l’autorité que la République Argentine s’arrogeait sur ces îles était incompatible avec les droits souverains de la Grande-Bretagne, lesquels droits, ajoutait-il, fondés sur la découverte et l’occupation subséquente de ces îles, avaient été confirmés