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lement le 25 janvier. Cet arrangement satisfit le pays, qui tenait dans le fond au maintien de la paix ; mais il fut violemment attaqué dans les deux chambres, surtout par lord Chatham, qui traita cette transaction d’ignominieuse. Malgré ses efforts, lord North et ses collègues triomphèrent aisément des attaques de leurs adversaires.

L’Espagne rendit le Port-Egmont, mais le ministère de lord North ne parut pas disposé à poursuivre les projets de colonisation formés par ses prédécesseurs. On n’y envoya pas de nouveaux colons, et moins d’un an après l’arrangement, les trois vaisseaux qui y avaient été mis en station furent remplacés par un petit sloop de guerre. Enfin, en 1774, le Port-Egmont fut définitivement abandonné par l’Angleterre, non pas à la condition proposée par la cour de Madrid dans les négociations, qu’en même temps que les Anglais se retireraient de l’île occidentale, les Espagnols abandonneraient Soledad, mais purement et simplement. Il n’est pas douteux que cet abandon avait été résolu dans les premiers momens de la restitution, et, s’il faut en croire le docteur Johnson, il ne fut retardé que par respect pour l’opinion publique. En effet, Junius, toujours si bien informé, annonçait, dans sa lettre du 30 janvier 1771, que telle était l’intention du ministère. Pownal s’expliqua encore plus clairement dans la chambre des communes, le 5 mars suivant ; il parla de l’abandon du Port-Egmont comme ayant été résolu, et il prétendit que ce n’était qu’à cette condition que l’Espagne avait consenti à un accommodement. Y a-t-il eu en réalité un engagement de cette nature de la part du cabinet anglais ? Serait-ce au prix d’une clause secrète qu’il aurait acheté la solution de ce différend, qui pouvait compromettre son existence ? Bien des fois, dans le parlement et au dehors, cette grave accusation fut nettement formulée, et toujours le ministère garda le silence. Les contemporains croyaient avoir la certitude qu’il existait entre les deux cours une convention secrète pour l’abandon des îles Falkland par l’Angleterre : les historiens anglais et espagnols les plus dignes de créance ne l’ont pas mis en doute ; mais ne peut-on pas voir aussi dans cette accusation une de ces calomnies qui ne sont pas sans exemple dans l’histoire des partis ?

Les Espagnols continuèrent de demeurer en possession de Soledad à Port-Louis, et d’exercer non-seulement sur l’île orientale, mais sur tout l’archipel et les mers voisines, les droits de la souveraineté la moins contestée. On ne possède aucun renseignement sur l’étendue de leur établissement à Soledad. La ville, à en juger par ses restes, devait être petite, bâtie en pierres ; on y voit encore la maison