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LES ÎLES FALKLAND.

de part et d’autre on se prépara à la guerre. Mais Louis XV avait résolu de finir ses jours en paix : il défendit à son ministre de donner suite à ce différend, et il écrivit de sa propre main au roi d’Espagne qu’il était prêt à faire retirer ses sujets des îles Malouines, pourvu qu’ils reçussent une indemnité. Cette proposition fut acceptée avec empressement, et M. de Bougainville était à peine revenu de son second voyage, qu’il fut envoyé à Madrid pour signer l’abandon du Port-Louis au prix de 600,000 francs. Les colons furent ramenés en France, et le Port-Louis, dont le nom fut changé en celui de Soledad, reçut une garnison espagnole, et devint une dépendance du gouvernement de Buenos-Ayres.

Les réclamations de la cour de Madrid ne furent pas suivies du même succès auprès du gouvernement anglais, qui les repoussa avec dédain. Enfin, après trois années de négociations inutiles, l’Espagne se décida à soutenir ses prétentions par les armes. Au mois de novembre 1769, le capitaine Hunt, qui commandait une frégate alors mouillée dans le Port-Egmont, aperçut un schooner espagnol occupé à explorer l’entrée de la baie ; il lui donna l’ordre de s’éloigner. Peu de jours après, le même schooner reparut, portant des rafraîchissemens au capitaine Hunt avec une lettre de don Philippe Ruiz Puenta, gouverneur de Soledad. Ce dernier, feignant d’ignorer l’existence d’un établissement anglais dans les îles Falkland et de regarder la présence d’un vaisseau de guerre britannique dans ces parages comme purement fortuite, exprimait son étonnement qu’un navire sous le pavillon espagnol eût reçu l’ordre de quitter une mer espagnole. Dans sa réponse, qui ne se fit pas attendre, le capitaine Hunt soutint que les îles Falkland appartenaient à sa majesté britannique par le droit de découverte et de premier établissement, et il termina sa lettre par une injonction formelle au gouverneur espagnol d’évacuer les îles Falkland dans le délai de six mois. Après plusieurs lettres échangées de part et d’autre, deux frégates espagnoles se présentèrent, à la fin du mois de février 1770, devant le Port-Egmont, et intimèrent à leur tour aux colons anglais l’ordre d’abandonner au plus tôt leur établissement, s’ils ne voulaient pas en être expulsés par la force des armes. À peine les frégates espagnoles se furent-elles éloignées, que le capitaine Hunt mit à la voile pour l’Angleterre, laissant pour toute défense de la colonie britannique le capitaine Matby avec un sloop de 16 canons.

Les menaces des Espagnols ne tardèrent pas à se réaliser. Dans les premiers jours du mois de juin, cinq frégates jetèrent l’ancre dans