Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/796

Cette page a été validée par deux contributeurs.
790
REVUE DES DEUX MONDES.

pice pour y jeter les fondemens d’une colonie. Dans cette pièce, rédigée par le conseil de l’amirauté, les îles Falkland étaient formellement désignées comme appartenant à la Grande-Bretagne par le droit de découverte. C’était la première fois que le gouvernement anglais produisait des prétentions à la propriété de cet archipel, qu’il faisait reposer sur la reconnaissance de Davis et d’Hawkins, et sur l’exploration de Strong en 1690.

Le capitaine Byron mit à la voile le 4 juin 1764. Il parcourut les côtes des deux îles principales, et donna à une baie située au nord de l’île occidentale le nom de Port-Egmont, en l’honneur du président du conseil de l’amirauté ; cette baie avait été visitée l’année précédente par M. de Bougainville, qui l’avait appelée port de la Croisade. Le 23 janvier 1765, il y débarqua et en prit possession, ainsi que de tout l’archipel, au nom du roi George III, après quoi il poursuivit son voyage, laissant au capitaine Mac-Bride le soin de continuer l’exploration de tout le groupe, et d’en porter les résultats en Angleterre. Peu de mois après son retour à Londres, le capitaine Mac-Bride fut renvoyé aux îles Falkland avec une centaine de personnes. Débarqués dans le mois de janvier 1766, les Anglais furent assez heureux pour achever leurs habitations avant la saison d’hiver ; mais, quoique l’expédition eût été fournie de provisions et de tous les objets nécessaires, ils ne furent pas plus satisfaits de l’état du pays que ne l’avaient été les colons français, et les rapports du capitaine Mac-Bride furent aussi défavorables aux îles Falkland que ceux du commodore Anson et du capitaine Byron avaient été séduisans.

Ainsi, au commencement de l’année 1766, la France et l’Angleterre avaient chacune un établissement dans les îles Falkland. Le droit de l’une et de l’autre à s’établir dans ces îles inoccupées ne pouvait être mis en question : si l’Angleterre invoquait une découverte antérieure, la France avait pour elle l’avantage d’une première occupation. Sans doute, ces titres également légitimes n’auraient pas manqué de faire naître une vive contestation entre ces deux puissances, si la cour de Madrid, qui tenait toujours à ses antiques prétentions de domination absolue sur les mers de l’Amérique, ne l’eût prévenue en adressant des remontrances aux cabinets de Versailles et de Saint-James contre les établissemens formés par leurs sujets respectifs sur le territoire de sa majesté catholique.

Le duc de Choiseul, qui était alors à la tête des conseils de Louis XV, n’était pas homme à céder timidement aux injonctions d’une puissance étrangère, et après une correspondance très ferme