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ment dont l’abandon est une des taches du règne de Louis XV. Sans les graves embarras qui l’occupaient au dedans et au dehors, l’Angleterre eût réalisé dès-lors les projets de M. de Bougainville ; mais dans les mains de l’Espagne, à qui elles échurent ensuite, ces îles furent un trésor inutile. Plus récemment elles ont failli amener un conflit entre la République Argentine et les États-Unis ; enfin la Grande-Bretagne a fait revivre d’anciennes prétentions et s’en est rendue maîtresse sans opposition. Ce fait n’a rien qui doive surprendre. Par leur position géographique et le nombre infini de leurs havres, les îles Falkland semblent avoir été destinées par la nature à servir de lieu de relâche à tous les navires qui se rendent dans les mers australes ou doublent le cap Horn. De si grands avantages ne pouvaient échapper à la pénétration des hommes d’état de l’Angleterre, et il n’est pas étonnant qu’ils aient songé à s’en assurer la possession ; il faut s’étonner au contraire qu’ils ne l’aient pas fait plus tôt.

À l’extrémité méridionale du continent américain, presque à l’entrée du détroit de Magellan, se trouve à 60 lieues environ à l’ouest de la Terre des États, et à 140 du cap Horn, le groupe des îles Falkland, entre le 51° et le 53° de latitude sud, et le 60° et le 64° de longitude occidentale. Cet archipel se compose de deux grandes îles, de la structure la plus irrégulière, qui s’étendent parallèlement du nord-est au sud-ouest, et d’environ deux cents îlots. La longueur moyenne de l’île orientale est de 90 milles ; elle n’est large que de 50 au plus. L’île occidentale a 80 milles de longueur ; sa largeur varie de 25 à 40 milles. On estime à 3,000 milles carrés la superficie de la première ; l’autre n’en a guère plus de 2,000.

De ces deux îles, la mieux connue est l’orientale. Elle est traversée de l’est à l’ouest par une chaîne de montagnes, ou plutôt de hautes collines, dont l’élévation au-dessus du niveau de la mer varie de 800 à 2,000 pieds anglais. Les versans de ces collines sont raides et prolongés, nus ou tapissés çà et là d’étroites écharpes de fougères. Les crêtes sont aiguës, et pourtant couvertes de pans immenses de grès quartzeux, placés dans une symétrie et une régularité telles qu’on ne peut attribuer qu’à des causes puissantes le dérangement de leur parallélisme primitif et les éboulemens énormes qui remplissent le fond des vallées. Ces collines n’offrent qu’un petit nombre de passes étroites, et séparent ainsi l’île en deux parties bien distinctes. Plusieurs rameaux s’en échappent en diverses directions, et forment un système de vallées humides, abritées et garnies d’excellens pâturages. Le reste de l’île ne présente que des plaines rases, légère-