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Genoude se présente aux électeurs de Périgueux. Si les électeurs l’envoient à la chambre, nous l’entendrons prêter serment de fidélité au roi Louis-Philippe, et son élection sera due, en partie du moins, à la recommandation de MM. Arago et Laffitte, qui en général, disent-ils dans la lettre qu’un journal leur attribue, marcheraient d’accord avec lui.

De son côté, M. de Lamartine appuie auprès des électeurs de Valence la candidature d’un légitimiste. Laissons à chacun la responsabilité morale de ses faits personnels ; mais en ne considérant ces faits que dans leur généralité et au point de vue politique, les conservateurs doivent en éprouver une vive satisfaction. Certes rien ne prouve mieux que ces monstrueuses alliances combien la cause des partis extrêmes est désespérée.

On parle d’un mouvement qui s’opérerait dans notre corps diplomatique. M. Bresson quitterait Berlin, destiné qu’il serait en son temps à l’ambassade d’Espagne ; M. le marquis de Dalmatie le remplacerait à Berlin, et M. le comte de Salvandy serait nommé à l’ambassade de Turin. Nous ne croyons guère à ce bruit, et nous croyons encore moins que M. de Salvandy acceptât le poste secondaire de Turin.


L’explication de la poésie par le dessin a été plus d’une fois, et nous n’avons pas été des derniers à le remarquer, un prétexte à l’industrie envahissante : là, comme ailleurs, le métier a pénétré. Si quelque chose pouvait lutter avec succès contre ces tristes empiétemens de la spéculation, ce seraient assurément les travaux sérieusement conçus et patiemment exécutés, qui montreraient dans quelle mesure il convient d’appliquer l’art, comme un vivant commentaire, à la poésie. Tel est le mérite d’une collection de dessins lithographiés que vient de publier M. Eugène Delacroix[1]. Ces dessins, au nombre de treize, sont inspirés par les plus belles scènes de l’Hamlet de Shakspeare. Quelques-uns de ces dessins sont datés de 1834 ; l’œuvre complet a été terminé en 1843. On voit qu’il ne s’agit point ici d’une de ces frivoles improvisations où l’art, comme la littérature, ne se complaît que trop aujourd’hui. M. Delacroix a non-seulement procédé avec une sage lenteur, mais il a su restreindre avec goût le nombre des thèmes qu’il empruntait à Shakspeare. Nous avons retrouvé dans cette suite d’études sur Hamlet la vigueur et l’originalité qui distinguent le talent de l’artiste. Le dessin qui retrace l’apparition du père d’Hamlet fait revivre sous nos yeux toutes les terreurs que le poète anglais a répandues dans le premier acte du drame. La scène des fossoyeurs a conservé, sous le crayon du dessinateur, son cachet de mélancolie sauvage. Mais c’est surtout dans la mort d’Ophelia que M. Delacroix s’est montré l’interprète heureux de Shakspeare. Tous les détails de la composition, depuis le corps pâle et languissant de la jeune fille jusqu’aux masses

  1. Chez Gihaut frères, boulevard des Italiens.