Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/731

Cette page a été validée par deux contributeurs.
725
REVUE. — CHRONIQUE.

tion où se trouve l’Espagne, on aurait eu tout à craindre si l’âge de la reine avait rendu nécessaire une nouvelle régence. C’eût été une nouvelle période de troubles, d’agitations, de guerres civiles. La reine se déclarant majeure, une ère nouvelle commence ; on coupe court à toutes ces ambitions presque royales qu’excitait la perspective de la régence ; le trône reprend toute sa hauteur ; les ambitieux s’agiteront au-dessous de lui : ils ne se battront plus sur les marches.

Aussi ne pouvons-nous qu’applaudir au parti qu’on vient de prendre en Espagne. La reine a été déclarée majeure. C’est pour elle et en son nom que le ministère Lopez gouverne. Nous applaudissons d’autant plus à la mesure que nous sommes convaincus que c’était là le vœu et l’attente du pays. L’Espagne avait été fatiguée et blessée d’un gouvernement qui voilait, pour ainsi dire, la monarchie, et se plaisait à la tenir dans l’ombre. Espartero avait trouvé le secret d’irriter tout le monde : les patriotes, en ne respectant pas les lois ; les hommes monarchiques, en respectant encore moins les personnes royales. Ajoutons, pour être complètement dans le vrai, que la grande majorité des Espagnols en est aujourd’hui à ne plus séparer le respect des lois du respect de la monarchie ; la monarchie et la liberté sont désormais étroitement liées dans leur esprit. S’il est quelques hommes, les uns très avancés dans les idées de liberté, les autres dans les idées de monarchie, le grand nombre marche d’un pas égal vers les unes et vers les autres, parce qu’il ne les conçoit pas séparées.

Il ne restait qu’une question, qui était de savoir à quel moment la reine prêterait le serment constitutionnel. On a décidé qu’elle le prêterait au sein des cortès, et que ce n’est qu’à partir du jour où elle l’aura prêté qu’elle exercera effectivement les pouvoirs de la royauté. Il est sans doute facile de comprendre le motif de cette détermination. On n’a pas voulu rendre possible, avant la réunion des cortès, une crise ministérielle qui aurait tout compromis. Il n’est pas moins vrai que cette détermination, que ce retard n’est pas sans quelque danger. Au fait, c’est comme si la reine n’avait pas été proclamée majeure. Pour que le pays la regardât comme telle, il fallait qu’elle pût effectivement exercer le pouvoir royal. Mieux valait peut-être qu’elle prêtât sur-le-champ le serment que la constitution lui impose, sauf à le renouveler plus tard et solennellement devant les cortès. C’est alors qu’on aurait pu dire : Cosa fatta capo ha. Espérons que les partis ne chercheront pas, dans une situation qui n’est point encore fortement et nettement dessinée, des prétextes pour de nouvelles agitations.

Au surplus, il est juste de reconnaître que rien n’autorise, en ce moment, des craintes sérieuses. Les juntes locales pouvaient sans doute donner d’abord quelques inquiétudes, exciter quelques alarmes. Aujourd’hui il est permis d’espérer qu’on n’a rien de grave à redouter de l’esprit municipal. Les juntes de Valence et de Barcelone, en s’empressant de se soumettre au gouvernement de Madrid, et de renoncer à leurs pouvoirs comme juntes supérieures,