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ARISTOPHANE.

et de cette fermentation continuelle se dégagèrent peu à peu, plus énergiques qu’autrefois, l’intérêt démocratique d’une part, l’intérêt aristocratique de l’autre : élémens ennemis, dont l’un se portait à Athènes, et l’autre à Lacédémone. La première manifestation de mésintelligence entre les deux cités eut une cause bien caractéristique. Les Hilotes, ce peuple esclave, s’étaient révoltés ; Sparte les assiégeait dans Ithome. Les Athéniens, réputés bons ingénieurs, furent appelés au secours de Sparte en vertu des traités existans ; mais la race ionienne et démocratique pouvait-elle de bon cœur aider l’aristocratie dorienne à remettre aux fers cette population malheureuse ? Il paraît que les Athéniens attaquèrent froidement et n’usèrent pas de toute leur science ; les Lacédémoniens se crurent trahis par eux et les renvoyèrent. Bien plus, lorsque les Hilotes eurent capitulé, les Athéniens les accueillirent et leur donnèrent le territoire de Naupacte à coloniser. Ainsi Athènes se faisait des alliés dans le sein même de la puissance rivale, en se posant comme protectrice de la classe opprimée, et, par représailles, les Lacédémoniens tentèrent de réveiller dans Athènes des factions aristocratiques. La lutte se dessinait donc ; l’opposition de politique devenait sociale. Les députés de Corinthe disaient aux Spartiates : « La guerre est nécessaire ; car il n’y a rien de commun entre vous et les Athéniens. Ils sont novateurs et actifs ; vous êtes conservateurs et lents. Ils veulent se répandre au dehors ; vous vous renfermez dans vos limites. Ils sont opiniâtres, insatiables, dévoués, pleins d’espoir ; vous tenez trop des vieux temps ; dans la politique comme dans les arts, ce sont les novateurs qui l’emportent. » Les deux principes ne sont-ils pas bien décrits par Thucydide ?

Autre circonstance non moins significative. Les Lacédémoniens, décidés à la guerre, cherchaient une raison bien nette et propre à émouvoir. Ils remontèrent haut dans le passé, comme pour reprendre à sa source l’inimitié qui dérivait de deux états sociaux différens. Un parti de noblesse s’était emparé autrefois, avec Cylon, de la citadelle d’Athènes. Le peuple massacra quelques-uns des insurgés jusque dans le temple de Minerve, où ils s’étaient réfugiés. C’était un sacrilége, dont les auteurs furent excommuniés, exilés : les Lacédémoniens s’en mêlèrent et aggravèrent encore la malédiction et le châtiment ; mais enfin, par suite des fluctuations qui balançaient alors la ville entre la démocratie et l’aristocratie, les descendans de ces exilés furent rendus à la patrie. Les Lacédémoniens remuèrent cette vieille histoire, et sommèrent les Athéniens d’expier