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POLITIQUE COMMERCIALE DE L’ANGLETERRE.

Il est permis de douter que la confiance de sir Robert Peel dans le succès futur de ses négociations commerciales soit appuyée sur des fondemens bien solides. Les vagues espérances qu’il devait alléguer pour justifier sa résistance aux sollicitations du parti industriel laissent donc entière la grande question économique sur laquelle pivote aujourd’hui tout l’intérêt de la politique commerciale de l’Angleterre ; il s’agit de savoir si l’on satisfera ce double et impérieux besoin de l’industrie britannique, qui demande l’agrandissement des débouchés et la diminution des frais de la production, ou par une mesure générale, un abaissement de tarifs sans réciprocité, ou par des mesures spéciales, des compromis particuliers, des traités de commerce. Ce problème est la forme sous laquelle se produit aujourd’hui la lutte entre le parti industriel et le parti de la propriété territoriale. Les préoccupations qu’il excitait il y a deux mois, un moment effacées par l’agitation irlandaise, ne tarderont pas à se manifester avec plus de force, au premier embarras que le contre-coup de cette agitation (M. O’Connell se le promet bien et l’a donné à entendre) jettera dans le mouvement de l’industrie anglaise et dans les finances du royaume-uni.

Devant cette situation qui touche de si près aux intérêts des grandes nations industrielles du monde, il est naturel de se demander quelle est l’attitude que ces nations doivent garder ou peuvent prendre. Une considération préalable nous semble dominer cette question. Il n’est pas de pays que le besoin de placer ses produits presse avec autant de force et par autant de côtés que l’Angleterre. Là, ce sont d’immenses capitaux qui ne peuvent trouver leurs profits nécessaires que dans un développement industriel énorme et toujours croissant. Là, l’existence de plusieurs millions de travailleurs est suspendue aux moindres vacillations de la machine commerciale. Là, des finances obérées, ayant à faire face à des besoins toujours plus grands, tirent presque uniquement leurs ressources du mouvement des affaires mercantiles et en subissent les perpétuelles et périlleuses vicissitudes. Ajoutez que ces nécessités vont sans cesse s’aggravant depuis un quart de siècle par l’effet naturel de la double concurrence du dedans et du dehors, et qu’il y a un an à peine elles se manifestaient à la fois par une diminution considérable du commerce, par une suspension de travail qui a poussé les ouvriers jusqu’à la

    la séance du 5 août, sir Robert Peel répétait encore, en répondant à une interpellation de M. Bowning, qu’il espérait mener à bien ses négociations avec la France.