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POLITIQUE COMMERCIALE DE L’ANGLETERRE.

homme raisonnable qui puisse croire que des négociations commerciales aient pour l’avenir de meilleures chances de succès qu’elles n’en ont eu jusqu’à présent ? »

Au fond, en réunissant les avis des tories et des whigs, on formerait une opinion unanime à reconnaître la répugnance des nations étrangères à abaisser leurs tarifs soit comme mesure générale, soit comme condition particulière de traités de commerce. Mais tandis que les tories ne voient dans cette disposition hostile qu’un argument en faveur du statu quo, les whigs et le parti manufacturier, déjà plus logiques, ce semble, lorsqu’ils disent : — Laissez à l’étranger importer ses produits, il sera bien forcé d’exporter les nôtres en retour, — ont encore l’avantage sur plusieurs questions de pratique immédiate. Sir Robert Peel, nous l’avons dit, a maintenu des droits élevés sur quelques articles, les soieries entre autres, dans la pensée d’en subordonner l’altération à la conclusion des traités commerciaux. Or, pendant que les négociations traînent en longueur, la contrebande se joue de ces droits et frustre le trésor. L’année dernière, lord Ripon, alors président du bureau de commerce, disait à la chambre des lords que tout article manufacturé français pouvait être introduit en fraude en Angleterre moyennant une prime de 10 ou 12 pour 100 de la valeur des marchandises. À l’appui de cette assertion, sir Robert Peel montrait à la chambre des communes une lettre émanée d’un négociant engagé dans le commerce indirect (c’est ainsi qu’il appelait la contrebande) ; ce négociant y déclarait qu’il se chargeait de faire entrer des soieries en Angleterre moyennant une prime de 8 à 10 pour 100, et d’autres articles à un taux un peu plus élevé. Sur les spiritueux, les fraudes sont énormes. Le trésor a donc un intérêt réel à la réduction immédiate de certains droits. C’était la considération sur laquelle lord John Russell insistait de préférence en défendant la motion de M. Ricardo. L’avantage que la France retirerait de cette réduction lui paraissait même une raison décisive de l’opérer sans retard. Ses paroles sur ce point sont au moins assez piquantes pour être citées. M. Gladstone attribuait l’insuccès des négociations commerciales avec la France à l’activité et à l’influence politique de nos manufacturiers, qui dominent, ce sont ses expressions, « une administration beaucoup moins forte, nous regrettons de le dire, qu’elle ne mérite de l’être (far less strong, we regret to say, than it deserves). » Lord John Russell a une manière de porter intérêt à notre cabinet qui serait peut-être plus profitable à notre pays. « Sans doute, disait-il, nous devons dé-