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faire éclater la crise, mais elles ne sont pas les seules, ni même les plus considérables. Vainement encore parlerait-on de l’excès de la production (over-production). Pour que ce mot explique quelque chose, il faut qu’il soit lui-même expliqué. L’excès de la production n’est qu’une conséquence, la conséquence forcée de la diminution des profits. « Lorsque, subissant une diminution constante, les profits ont touché à ces limites au-delà desquelles le commerce ne trouve plus de marge suffisante pour opérer sans perte la transformation des capitaux, nos manufacturiers, dit M. Gladstone, se précipitent dans la lutte avec cette indomptable obstination naturelle à la race anglaise, et qui quelquefois, dans les complications des affaires humaines, accroît les embarras par les efforts même qu’elle fait pour en sortir. On comprend, sans être initié aux procédés actuels du commerce, comment, par un motif tout-à-fait innocent, louable même, des hommes peuvent persister ainsi à lutter par l’augmentation des produits contre la diminution des profits, quoique ce combat inégal, en reculant le jour de la crise, ne fasse qu’en aggraver l’intensité. » En descendant à la racine des choses, l’excès de la production est, on le voit, la conséquence nécessaire de l’engorgement des capitaux et de l’insuffisance des profits. Les funestes effets de l’over-production découlent donc de ce péril, « le plus formidable, dit M. Gladstone, le seul peut-être qui soit constamment à redouter pour notre industrie agricole et manufacturière : le resserrement sérieux, veux-je dire, du cercle du commerce anglais. »

Ce resserrement, à quoi l’attribuer, sinon à la pression des industries étrangères fermant, amoindrissant ou disputant à l’Angleterre ses débouchés. L’année 1842 a vu cette action des nations productrices du monde contre l’industrie et le commerce britanniques se manifester dans la promulgation presque simultanée de six tarifs hostiles aux intérêts anglais. C’est un fait grave que ces tarifs lancés au moment même où sir Robert Peel présentait avec tant de bruit ses réductions de tarif comme un exemple de libéralisme en matière de commerce. Les élévations de droits décrétées sur les produits britanniques par la Russie, le Portugal et l’Espagne, n’étaient pas sans doute de nature à affecter douloureusement le royaume-uni, mais il n’en était pas de même de l’ordonnance qui, en France, doublait les droits sur les fils de lin anglais ; dans le Zollverein, du décret qui, indépendamment d’autres altérations très défavorables au commerce britannique, élevait de 30 thalers (le centner) au chiffre exorbitant de 50 thalers les droits sur les tissus mêlés de coton et de