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POLITIQUE COMMERCIALE DE L’ANGLETERRE.

cipal appui, il était habile sans doute d’en arborer si franchement et si fièrement le drapeau ; mais, pour parer aux exigences immédiates de la situation, rien de plus illusoire que les mesures projetées par les whigs. Elles blessaient trop fortement et l’intérêt de la propriété territoriale en portant un coup décisif au monopole des céréales, et l’intérêt des colonies et de quelques ports de mer en touchant au monopole des planteurs des West Indies, pour être actuellement réalisables. D’ailleurs, et c’était pourtant la chose essentielle, elles ne pouvaient assurer avec précision au budget l’appoint du déficit. Si lord John Russell ne s’arrêta pas à l’idée, seule pratique, seule sérieuse, d’une taxe directe sur les revenus, nous ne saurions l’attribuer qu’à la faiblesse politique du ministère whig, impuissant à vaincre, même dans son propre parti, les répugnances que soulevait un impôt de cette nature.

Plus heureux, l’homme d’état éminent qui était alors le chef incontesté du parti conservateur put accepter pleinement l’héritage des idées de son ancien collègue, M. Huskisson. Dans les termes où les whigs l’avaient engagée, la question du déficit mettait en présence trois ordres d’intérêts : les intérêts territoriaux et coloniaux, réclamant le maintien des priviléges sur lesquels les lois du pays avaient assis leur existence ; les intérêts industriels, réclamant à la fois la réduction des droits sur les grandes consommations, afin de pouvoir produire à moins de frais, et l’encouragement de l’importation étrangère pour agrandir les débouchés de leurs produits ; enfin l’intérêt financier de l’état, le plus impérieux, le plus pressant de tous, réclamant, lui, au nom du crédit public et de la puissance politique du pays, un accroissement immédiat de revenu. Sir Robert Peel, en homme de gouvernement sérieux, avait d’abord à satisfaire complètement et sûrement le dernier intérêt : où devait-il chercher un accroissement immédiat et certain de revenu ? De l’impôt indirect, on peut l’obtenir par deux systèmes contraires, en procédant par augmentation ou par réduction de droits ; mais l’échec récent de M. Baring venait de prouver l’inefficacité du premier de ces moyens dans les circonstances actuelles. Quant au second, lors même qu’il n’eût pas été repoussé par les intérêts auxquels sir Robert Peel empruntait sa force politique, le résultat en était hasardeux. « Au lieu donc de songer à demander l’accroissement du revenu aux taxes sur la consommation, c’est mon devoir, déclarait sir Robert Peel dans cette fameuse nuit du 11 mars 1842 où il exposa son plan financier, c’est mon devoir de m’adresser aux propriétaires… Je propose