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POLITIQUE COMMERCIALE DE L’ANGLETERRE.

une prime en faveur des manufactures indigènes des états rivaux contre les manufactures anglaises (obligées d’acheter et de vendre plus cher). Le résultat extrême de la lutte serait que chaque contrée exporterait ses propres produits sur ses propres navires, et qu’aucun pays n’importerait les productions étrangères par navires étrangers : qui y perdrait le plus du pays manufacturier ou du pays producteur de matières premières[1] ? »

Les anxiétés de M. Huskisson s’accrurent sans cesse devant cette nécessité économique qui se produisait avec la même rigueur dans toutes les branches du système commercial de l’Angleterre. Il ne les exprima jamais avec plus d’énergie et d’émotion, jamais il ne signala avec plus de précision les dangers auxquels la Grande-Bretagne s’exposait, si elle ne savait céder à temps aux exigences d’une situation fatale, que dans un discours que l’on pourrait considérer comme son testament politique, car il fut prononcé en 1830, quelques mois seulement avant le funeste accident qui termina sa vie. Il était impossible d’indiquer les causes de cette situation et d’en définir la nature avec plus de sagacité et de profondeur que dans les paroles suivantes : « Nous devons avoir constamment présens à la pensée les effets nécessaires de la paix et des concurrences des industries étrangères contre les nôtres sur les marchés du monde. Ces effets, déjà si souvent et si bien expliqués, se réduisent à deux : premièrement, nous ne pouvons obtenir pour nos marchandises un meilleur prix que celui auquel elles peuvent être produites et amenées sur les marchés par les autres pays ; secondement, ce sont les prix auxquels nous pouvons vendre au dehors qui déterminent nos prix sur le marché intérieur. Ces axiomes admis, suivons-en les conséquences légitimes et nécessaires. On ne saurait nier qu’un esprit d’amélioration, qu’un inquiet désir d’accélérer les progrès de l’industrie, qu’un zèle persévérant à répandre les connaissances dans toutes les branches du travail auxquelles s’allient les sciences chimiques et mécaniques, ne soient aujourd’hui les sentimens dominans non-seulement de tous les peuples, mais de tous les gouvernemens du monde civilisé. On ne saurait nier non plus que, dans plusieurs pays, plus de liberté dans les institutions et une sécurité plus grande donnée à la propriété n’aient favorisé l’accroissement des capitaux et le développement des autres élémens indispensables des entreprises industrielles et commerciales. Ainsi deviennent de jour en jour plus formidables les rivalités qu’ont à sou-

  1. Speeches, t. III, p. 1-55. — State of the Navigation of the united kingdom.