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POLITIQUE COMMERCIALE DE L’ANGLETERRE.

tion économique. Il n’a pas proclamé que pour tous les peuples et dans toutes les circonstances la liberté absolue des échanges fût le système le plus avantageux ; il n’a pas même déclaré que l’Angleterre se fût trompée jusque-là en protégeant par des prohibitions sa marine, son commerce, son industrie. Son principal mérite fut de comprendre mieux que personne cette nécessité toute spéciale à l’Angleterre, toute nouvelle même pour elle, qui la contraint à abandonner progressivement le système restrictif, et de la signaler avec assez de force pour en rendre l’évidence irrésistible. Nous ne saurions mieux faire apprécier cette nécessité caractéristique qu’en recourant à l’autorité des paroles mêmes de ce ministre.

Une des mesures les plus considérables de la politique de M. Huskisson est le bill de réciprocité des droits (reciprocity duties bill), par lequel le gouvernement se fit autoriser à fixer les droits et les drawbacks sur l’importation ou l’exportation des marchandises par navires étrangers, aux mêmes conditions que les droits ou drawbacks payés dans les états étrangers sur les marchandises transportées sous le pavillon britannique. Je cite volontiers quelques passages du discours que M. Huskisson prononça à l’appui de cette mesure. Il peut n’être pas inutile, je crois, de connaître cet aveu aussi franc que précis des motifs qui ont commandé de nos jours à l’Angleterre l’abaissement de ses tarifs. Rappelant que, depuis le fameux acte de navigation, la politique de l’Angleterre avait été d’imposer sur les chargemens apportés par des navires étrangers des droits plus élevés que sur ceux que couvrait le pavillon britannique, « il n’était peut-être pas nécessaire, disait M. Huskisson, de modifier cette législation tant que les puissances étrangères n’étaient pas en état de protester efficacement contre l’inégalité qu’elle consacrait ; mais on pouvait prévoir qu’il faudrait y renoncer dès qu’elles seraient en mesure d’y résister ». C’est précisément ce qui était arrivé en 1823, au moment où parlait M. Huskisson. Les États-Unis et la Hollande avaient frappé de droits prohibitifs le commerce par pavillon anglais, et la Prusse menaçait de suivre cet exemple. « Après les embarras qui ont longtemps et rigoureusement pesé sur nous, ajoutait M. Huskisson, nous ne pouvons maintenir ce système de restriction ; en y persévérant, nous ne ferions que nous attirer des représailles qui produiraient sur nos intérêts commerciaux un effet désastreux. » — « Tant qu’il n’y a pas eu hors de l’Europe, disait-il dans une autre circonstance, de nation commerçante indépendante, tant que les vieux gouvernemens européens ont regardé les affaires commerciales comme